Il y a une semaine, les Tunisiens commémoraient le 20e anniversaire de la mort du bâtisseur de la Tunisie moderne et de sa République, survenue le 6 avril 2000. Occasion pour beaucoup de faire le point sur le bourguibisme et sur Bourguiba tant décrié et critiqué; et qui semble avoir fait des petits jusque parmi ses ennemis : les islamistes, les arabistes et les communistes; puisque beaucoup d’entre eux se réclament, désormais, de son héritage et se prétendent bourguibiste !
Par Rachid Barnat
Le leader des islamistes, Rached Ghannouchi, tout comme les Arabistes Moncef Marzouki, Kaïs Saïed ou le couple diabolique Mohamed et Sami Abbou… ont tenté de salir la mémoire de Bourguiba, allant jusqu’à lui faire un procès ridicule, mais sans succès. Ils découvrent qu’il fait partie de la mémoire collective des Tunisiens qui lui sont toujours reconnaissants; et faute de le déboulonner, ils se sont mis à le «récupérer», populisme et électoralisme obligent.
Les islamistes et l’arme fatale du consensus
Si les islamistes n’ont jamais partagé le pouvoir qu’ils se sont accaparé au début de la phase «post-révolutionnaire», il a suffi qu’ils perdent les élections de 2014 pour qu’ils se «souviennent» subitement, qu’une société musulmane se gère de manière consensuelle en référence au fameux «majlis choura» dans la oumma musulmane !
Et pour partager le pouvoir avec les Destouriens, ils ont imposé le consensus à Béji Caid Essebsi qui a bien fini par l’accepter sous les «encouragements» des Etats-Unis et de l’Union européenne.
Ce qui a permis à Ghannouchi de se maintenir au pouvoir malgré la gestion calamiteuse par les Frères musulmans dont ont fait les frais leurs partenaires de la «troïka», Moncef Marzouki du CpR et Mustapha Ben Jaafar d’Ettakatol; et de poursuivre l’islamisation de la société tunisienne, seule stratégie payante sur le long terme, pour prendre le pouvoir et le conserver!
Les Tunisiens et l’âge d’or du bourguibisme
Devant la gestion catastrophique du pays par les islamistes, de plus en plus de déçus, en colère contre les crises successives qui ont mis à genoux le pays et ébranlé ses institutions, les Tunisiens commencent à se remémorer l’âge d’or du bourguibisme et regrettent d’avoir mal jugé Bourguiba, quand ils comparent la Tunisie d’alors avec ce qu’en ont fait en 10 ans les Frères musulmans ou quand ils comparent l’homme d’Etat qu’il était à Ghannouchi et à une classe politique médiocre soumise au bon vouloir des Frères musulmans.
Si au lendemain du coup d’État du 14 janvier 2011, ourdi par l’émir du Qatar et à la faveur duquel il a installé les Frères musulmans au pouvoir; et devant la vague déferlante des islamistes, beaucoup de Destouriens se sont éclipsés ou exilés; d’autres se sont rapprochés de Ghannouchi en retournant leur vestes dans l’espoir de miettes du pouvoir; mais rares sont ceux qui n’ont pas déserté et ont choisi la résistance à l’envahisseur et à la nouvelle colonisation qui ne dit pas son nom.
Ghannouchi, se sachant impopulaire, tire sa force de la faiblesse de ses opposants et s’accroche donc à la stratégie du «consensus» qui permet aux Frères musulmans de demeurer au pouvoir, d’autant que Béji Caid Essebsi a fini par banaliser ce concept et à le justifier aux yeux des Destouriens comme indispensable et incontournable pour la «transition démocratique»!
D’où, d’élection en élection, sa recherche d’«oiseaux rares» parmi les progressistes auxquels il pourra dicter sa politique et leur en faire porter la responsabilité et l’impopularité allant avec auprès des Tunisiens.
Le bourguibisme survivra-t-il à Bourguiba ?
Machiavélique, il sait qu’il faut diviser pour régner. Il fera tout pour diviser les progressistes et en premier les Destouriens, pour garder la main sur le pouvoir. Il encourage même certains Destouriens «consensuels» à créer leur propre parti politique pour neutraliser l’irréductible Abir Moussi et affaiblir le Parti destourien libre (PDL), les seuls à lui tenir tête et qui refusent catégoriquement le consensus et tout particulièrement avec les Frères musulmans !
Dans ce contexte, on se demande si le bourguibisme survivra à Bourguiba. La réponse devrait, en toute logique, être positive quand on voit l’attachement des Tunisiens à Bourguiba mais c’est à la condition qu’ils sachent ce qu’est le bourguibisme fondamentalement et qu’ils adhérent à cette conception de la politique.
Bourguiba voulait avant tout que son pays entre dans le progrès et fasse partie de ces nations ouvertes et libres. C’est pourquoi il était fondamentalement opposé aux islamistes et regardait plutôt vers les valeurs universelles.
Bourguiba était pour un pouvoir fort, efficace qui puisse mener le pays au progrès par l’éducation, l’émancipation totale des femmes et la mise en place d’une administration neutre et performante.
Bourguiba, était un nationaliste et se méfiait des utopies pan-arabiste et pan-islamiste.
Le Bourguibisme survivra si ces objectifs restent ceux des Tunisiens et qu’ils prennent le parti de s’opposer clairement, de manière déterminée, aux islamistes et autres panarabistes, ennemis de la République et de la nation tunisienne. En un mot, qu’ils soient patriotes.
Seuls les partis qui feront ce choix, seront fidèles à Bourguiba.
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