La nature ayant horreur du vide, la Chine aura, encore une fois, pris une longueur d’avance sur le monde occidental et le nôtre également, en réussissant sa guerre contre le coronavirus (Covid-19) et en consolidant davantage son statut d’acteur économique et commercial de premier rang.
Par Dr Mohamed Sahbi Basly *
J’ai quitté la Chine pour la dernière fois début janvier 2020, le jour où le gouvernement chinois a déclaré, officiellement, à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) son foyer d’épidémie à Wuhan, dans la province de Hubei, distante de Pékin, la capitale, comme l’est Paris de Tunis.
Je me souviens que personne ne s’inquiétait outre mesure de cette nouvelle vague de grippe dite asiatique connue depuis la nuit des temps avec une périodicité, toujours la même, une trentaine d’années correspondant à la mutation naturelle du virus porteur.
La Chine a pourtant montré la voie à suivre
Immédiatement après, la Chine a préconisé des mesures draconiennes pour limiter l’ampleur de l’épidémie à la ville Wuhan où s’est déclaré le premier foyer d’infection. Le confinement général a dure 76 jours et n’a été levé que le 8 avril courant. L’Etat chinois a mis à la disposition de la population tous les moyens de subsistance et des soldats de la survie ont soigné, nourri, transporté, et maintenu un minimum de vie à cette population bloquée entre quatre murs pour, à leur tour, venir à bout de cette épidémie.
Déjà, à l’époque, je lisais quelques commentaires de la presse occidentale s’en prendre à la manière féroce et inhumaine de confiner des personnes de force, et la machine du droit-de-l’hommisme de façade de prendre le relais pour dénigrer tel ou tel agissement du gouvernement chinois vis-à-vis de ses ressortissants mais également des étrangers et ils sont nombreux à Wuhan.
Certains médias ont tout simplement jeté l’opprobre sur la Chine, devenue seule responsable de cette pandémie devenue mondiale, fustigeant l’incurie du gouvernement et sa sous-déclaration de l’ampleur du phénomène, allant jusqu’à publier des photos satellites montrant des cheminées dégageant des fumées qu’on a vite assimilées à des fours crématoires où l’on brûle les cadavres de personnes mortes du coronavirus.
Entre-temps, mondialisation oblige, le virus a voyagé à travers le monde, et les premiers cas se sont déclarés en Europe, mais celle-ci, au lieu de prendre le phénomène au sérieux et réfléchir aux voies et moyens pour endiguer cette épidémie en prenant des mesures aussi draconiennes que la Chine, continua de plus belle, à travers ses médias zélés, à vouloir privilégier la théorie du complot , d’une guerre biologique digne d’un film d’espionnage version OSS 117 du 21e siècle, avec cette toile de fond de guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis d’Amérique.
Le monde occidental a péché par défaut d’orgueil
Encore une fois, le monde occidental a péché par défaut d’orgueil et rien ne sera plus comme avant entre les pays de l’Union européenne, tellement cette crise a montré du doigt ce malaise profond que connaissent les Européens mais ne l’avouent pas, celui de la fragilité de cet ensemble.
Une autre valeur chère à l’Europe sortira amoindrie de cette expérience douloureuse du face-à-face avec le coronavirus, c’est la démocratie.
La Chine, entre-temps, a fait ce qu’elle devait faire pour le bien de son peuple. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement, mais en même temps, elle doit rester vigilante quant au retour de l’épidémie de l’ouest vers l’est, bien que ce risque épidémiologique soit moins fort.
La pandémie du coronavirus est une nouvelle épreuve pour l’homme, les nations et les Etats, quelle que soit la nature du régime politique, la couleur de la peau, ou la religion des populations, il faut l’appréhender comme une bénédiction pour l’humanité tout entière pour qu’elle redevienne plus humaine, plus solidaire et plus pacifique.
Après cette crise mondiale, l’homme, marginalisé au profit de la machine et du gain rapide, redeviendra le centre d’intérêt de tout projet de développement futur. Je crois que tous les gouvernants doivent s’atteler de nouveau à considérer l’homme comme le principal outil et but du progrès
La Chine, encore une fois, a pris une longueur d’avance
Entre-temps, la Chine, encore une fois, aura pris une longueur d’avance sur ce monde occidental et le nôtre également, pour consolider davantage son statut d’acteur économique et commercial de premier rang. Car la nature a horreur du vide.
Ce géant asiatique est un ami du monde africain. Il revient à nous Africains de penser, pour une fois, à nos intérêts immédiats, et proposer les moyens et les pistes pour une collaboration avec l’Asie d’une manière générale, et la Chine en particulier, en vue d’asseoir un vrai partenariat stratégique, gagnant-gagnant, pour la paix, la sécurité et le développement.
La Tunisie, héritière de l’antique Africa, terre d’Ifriqya, peut initier ce nouveau dialogue post-coronavirus. Elle a les moyens de le faire. Elle peut le réussir parce qu’elle est aujourd’hui membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies et sa voix doit porter. Elle peut réussir parce qu’elle est respectée de tous. Elle peut l’envisager, car le centre de gravité du monde est, tout simplement, plus que jamais asiatique.
* Ancien ambassadeur de Tunisie en Chine.
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