Tomas Tranströmer est un poète suédois, né le 15 avril 1931 à Stockholm et décédé le 26 mars 2015 dans la même ville. Très connu en Scandinavie et dans les pays anglo-saxons, il reste peu connu dans les autres pays. Il fut pourtant couronné du Prix Nobel de littérature en 2011.
Tomas Tranströmer publie son premier recueil ‘‘Dix-sept poèmes’’, 1954, tandis qu’il est encore étudiant. Après un diplôme en psychologie (1956), il intègre l’Institut psychotechnique de Stockholm avant d’accompagner de jeunes délinquants au sein d’un institut spécialisé (1960). Il exerce la profession de psychologue jusqu’en 1990, année où il est victime d’une attaque d’apoplexie qui le contraint à réduire son activité d’écriture (‘‘La Gondole chagrin’’, 1996).
Riche de plus d’une dizaine d’ouvrages (‘‘Sentiers’’, 1973; ‘‘Lacs de l’Est’’, 1974; ‘‘La Barrière de la vérité’’, 1978 ; ‘‘Promenade’’, 1980), traduite en 55 langues, son œuvre poétique a été récompensée par de nombreux prix internationaux : le prix Bellman en Suède (1966), le prix Pétrarque en Allemagne (1981), le Neustadt International Prize aux États-Unis (1990), et surtout le prix Nobel de littérature (2011).
L’audience de cette œuvre dans le monde anglophone est due en grande partie à la traduction qu’en a faite son ami le poète américain Robert Bly avec lequel il entretiendra une longue correspondance. En France, les recueils de Tomas Tranströmer sont traduits par Jacques Outin et publiés par Le Castor Astral (‘‘Baltiques’’, 1989; ‘‘Œuvres complètes : poèmes 1954-1996’’, 1996; ‘‘La Grande Énigme’’, 2004) et Gallimard (‘‘Baltiques, œuvres complètes, 1954-2004’’, 2004). ‘‘Les souvenirs m’observent’’ (1993, traduit en français en 2004), à caractère autobiographique, constituent son unique contribution en prose.
«Je suis diplômé de l’université de l’oubli et j’ai les mains aussi vides qu’une chemise sur une corde de linge» (‘‘Madrigal’’).
Poète au style fluide, musical et recherché, observateur amoureux de la nature enclin à la méditation, Tomas Tranströmer se montre aussi moderne dans son approche de la complexité d’un monde transformé par la technique et la science.
Il est nuit en plein soleil. Je me tiens dans les bois et regarde vers ma maison avec ses murs bleus de brume.
Comme si j’étais mort récemment et j’ai vu la maison sous un angle nouveau.
Elle a résisté pendant plus de quatre-vingts étés. Son bois a été imprégné, quatre fois avec joie et trois fois avec tristesse.
Quand quelqu’un qui a vécu dans la maison meurt, elle est repeinte.
La personne morte peint elle-même, sans brosse, de l’intérieur.
De l’autre côté est un terrain ouvert. Autrefois un jardin, maintenant déserté. Un ressac encore de mauvaises herbes, des pagodes de mauvaises herbes, un texte qui jaillit, un mouvement vers le bas, des mauvaises herbes, une flotte viking de mauvaises herbes, des têtes de dragon, des lances, un empire de mauvaises herbes!
Au-dessus des flottements du jardin l’ombre d’un boomerang plane, jeté, encore et encore.
Il est lié à quelqu’un qui a vécu dans la maison bien avant mon temps. Presque un enfant.
Une question, une impulsion émane de lui, une pensée, une pensée de volonté: «créer… dessiner…», pour échapper à son destin inscrit dans le temps.
La maison ressemble à un dessin d’enfant. Un enfantillage fugace qui a grandi de suite parce que quelqu’un a prématurément renoncé à l’accusation d’être un enfant. Ouvrez les portes, entrez! À l’intérieur de la maison, des troubles habitent dans le plafond et la paix dans les murs. Au-dessus du lit, est accrochée une peinture représentant un navire amateur de dix-sept voiles, une mer agitée et un vent que le cadre doré ne peut pas maîtriser.
Il est toujours si tôt ici, c’est juste avant le carrefour, avant les choix irrévocables. Je suis reconnaissant pour cette vie! Et pourtant, je manque de solutions de rechange. Tous les croquis voudraient être réalité.
Un moteur sur l’eau, au lointain, étend l’horizon de la nuit d’été. La joie et la tristesse s’élargissent ensemble dans le verre grossissant de la rosée. Nous n’avons pas vraiment à le savoir, mais nous le pressentons : notre vie a un navire-jumeau qui vogue sur une voie entièrement différente.
Alors que le soleil brûle derrière les îles.
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