Cet article rappelant l’accueil des immigrés espagnols (et autres) en Tunisie dans les années 1930 a été écrit en réaction à l’affaire des 600 immigrés tunisiens que le ministre espagnol de l’Intérieur s’apprête à faire expulser d’Espagne. Demain, peut-être, les flux migratoires changeront à nouveau de sens…
Par Farouk Ben Miled *
Ils étaient environ quatre mille. Tous espagnols avec femmes et enfants que la guerre de Franco a chassés de leurs foyers. Et en cela il a été aidé par Hitler et Mussolini, belles références.
Tous républicains convaincus, qui ont été accueillis en Tunisie, peut-être pas dans les meilleures conditions mais accueillis quand même, par les autorités françaises, alors administrateurs réels du pays.
Notre pays leur a fourni terres, logements et travail.
Un des derniers, Antoine, charpentier naval de métier, mort chez moi et enterré chez lui au cimetière du Borgel, à Tunis, où nous étions cinq ou six à l’accompagner.
Bien avant, c’était des Italiens antifascistes qui ont fui les chemises noires, et la misère de l’Italie du Sud dans les années trente.
Ils débarquaient dans des petites embarcations au Cap Bon, un peu ce que l’on voit de nos jours à Lampedusa ou à Malte et même bien avant à la fin du dix-neuvième siècle.
Au début du siècle dernier, les «Russes blancs», eux aussi chassés de chez eux par les Bolcheviks, sur des bateaux rapiécés, ont débarqués chez nous, avec à leur tête un général vaincu et toujours avec femmes et enfants, à Bizerte d’abord, ils ont ensuite essaimé dans tout le pays.
Puis, plus tard, pendant la dernière guerre, les gauchistes français ont fui Vichy ainsi que de très nombreux Juifs de l’Europe Centrale, pour ce que vous savez monsieur le ministre et n’osez pas le dire, à cause de sympathies non encore oubliées.
Je ne veux pas oublier Maltais, Sardes et Grecs et autres. Parmi tout ce petit monde, certains même firent une carrière dans l’administration tunisienne.
Bienvenue à bord chez nous ! Où tout le monde trouvait ça parfaitement normal et personne ne les a comptés, mais on dit que l’ensemble faisait dans les cent cinquante ou deux cent mille personnes, tout ce qu’on appelle aujourd’hui «les Z’émigris». À l’époque on disait seulement «des hommes».
C’est ce que nous apprend ‘‘Réalités’’, le 28 avril 2020, le ministre espagnol de l’Intérieur qui s’apprête à expulser six cents bougres tunisiens, en quête de nourriture et de quoi s’occuper.
Que peut-on dire alors de cette république membre de l’Union Européenne, qui s’est réfugiée chez nous en 1939 pour fuir Guernica.
Rien !
* Architecte D.P.L.G.
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