La recherche sur le virus Covid-19 est bien lancée et les questions à laquelle elle doive faire face sont de taille et mettent à nu l’ampleur des découvertes qui restent à faire pour la compréhension des mécanismes les plus fins de l’immunologie humaine.
Par Dr Mounir Hanablia *
On n’explique toujours pas le mécanisme biochimique et cellulaire du pouvoir pathogène du nouveau virus. On sait que la cellule humaine infectée peut produire environ un million de virus avant d’être détruite. Ce qui est troublant est la réaction inflammatoire, disproportionnée, déclenchée du fait de la libération inappropriée des médiateurs de la réponse immunologique, appelés cytokines, celles-ci conduisant à leur tour à un afflux, dans le tissu de polynucléaires, de monocytes et de mastocytes avec libération de substances actives, à l’instar des bradykinines et des prostaglandines, sur les vaisseaux, les bronches, les reins, les neurones, le myocarde, et les plaquettes du sang.
Une primo infection ne protège pas contre des contaminations ultérieures
Cette réaction, appelée orage à cytokines, est souvent fatale, et survient le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques, telles le diabète, l’hypertension artérielle, ou l’obésité.
Il semble donc que cette réponse immunologique inappropriée soit de type cellulaire, non spécifique, et ne fasse pas intervenir l’immunité humorale, qui elle déclenche la libération des anticorps. Ceci a une conséquence importante: ce virus, est beaucoup moins immunisant que ceux d’autres pathologies comme la grippe, l’hépatite, ou la rougeole; cela signifie qu’il bénéficie d’une tolérance de la part de l’organisme, en ne suscitant que peu la fabrication d’anticorps. L’organisme avec lequel il a été en contact lors d’une primo infection n’est donc pas protégé contre des contaminations ultérieures. En l’absence d’anticorps spécifiques, la détection d’un contact précédent avec le virus dans le sang du malade n’est donc pas évidente.
Mais même la physiopathologie de certains phénomènes nocifs demeure incomprise. On ignore par quels mécanismes le virus agisse pour que le sang coagule en formant des caillots responsables de thromboses mortelles, d’infarctus du cerveau, du myocarde, ou d’embolies pulmonaires. Une activation des plaquettes sanguines est nécessaire dans la thrombose, dont on ne connaît toujours pas les mécanismes exacts, viral direct, ou inflammatoire indirect.
La ruse de ce nouveau virus pose de grands défis à la recherche
Mis à part ces mystères dans la recherche fondamentale, dont on n’a toujours pas découvert pour l’instant les secrets, un autre est constitué par les tableaux cliniques atypiques de la maladie.
On a constaté que les patients Covid + présentant des défaillances respiratoires aiguës constituaient en fait deux groupes distincts.
D’une part, il y a ceux qui se présentaient avec le classique tableau de SRAS, avec des images radiologiques de pneumonie extensive aux deux poumons pouvant aboutir dans les cas extrêmes aux classiques poumons blancs et nécessitant la mise immédiate sous ventilation assistée et respirateurs.
D’autre part, il y a ceux des patients incapables de respirer mais dont les scanners ne révèlent que des discrètes lésions pulmonaires, évocatrices sans être spécifiques quand elles sont de type ground-glass, mais absolument pas en rapport avec la sévérité du tableau clinique; ce second groupe à poumons radiologiquement «normaux» ne nécessite pas de respiration artificielle, et peut même s’en trouver compliqué.
Mais la survenue de plus en plus fréquente en Grande-Bretagne d’atteintes infantiles sous forme de vascularites systémiques semble confirmer la mise en jeu concomitantes de phénomènes autoimmuns. Ceci démontre toute la ruse de ce nouveau virus, l’ampleur des défis qu’il ne cesse de poser à la recherche, et l’importance de la découverte d’un vaccin, dans un futur proche.
En attendant un hypothétique vaccin, la seule défense reste distanciation sociale
On sait heureusement d’ores et déjà que son pouvoir mutagène n’est pas important et que sa protéine de surface n’a pas varié; celle ci en constitue donc une cible de choix pour d’éventuels vaccins en devenir, quoiqu’on n’explique pas encore pourquoi elle n’entraîne pas à l’état naturel de fabrication d’anticorps dans l’organisme.
On peut supposer que ce choix de cibler la protéine de surface pour la vaccination soit le fruit de la recherche sur des souches précédentes de coronavirus et d’expériences acquises. Mais rien ne semble encore définitivement joué, particulièrement sur le plan épidémiologique où dans un pays comme la Tunisie, le Covid-19 a réussi à paralyser la machine économique, en ne se découvrant pratiquement pas.
Face à la complexité et la gravité de la maladie, ainsi que les défis rencontrés par la recherche médicale sur le virus, et avec la fin du confinement, il importe de conserver les notions basiques de l’hygiène corporelle, et dans la mesure du possible, de la distanciation sociale, en attendant l’apparition (éventuelle) d’un vaccin efficace sur le marché.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
Donnez votre avis