Une énième polémique, et non des moindres, a été provoquée hier, mardi 19 mai 2020, par Rached Ghannouchi, suite à son appel téléphonique passé au président libyen du gouvernement d’entente nationale (GEN), Fayez Sarraj, pour le féliciter d’avoir récupéré une base aérienne stratégique. Ainsi, Ghannouchi a altéré, du fait de son statut actuel à la tête du Parlement, la neutralité officielle de la Tunisie face à la guerre libyenne. Quelques heures plus tard, la présidence de l’ARP a tenté de sauver la mise. Trop peu, trop tard, et maladroit.
Par Cherif Ben Younès
Ce ne sont pas seulement les propos de Rached Ghannouchi qui ont soulevé la polémique, mais également le fait qu’il n’a rien communiqué au sujet de la conversation, ni à titre personnel, ni comme étant le chef du parti Ennahdha, ni en tant que président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). C’est un électron libre, trop libre pour un homme qui est censé représenter le peuple et l’Etat tunisiens. Ce qu’il semble avoir de la peine à comprendre et à intégrer une fois pour toute, continuant à se comporter comme s’il était le chef d’une confrérie, qui plus est, secrète.
Bien que le chef islamiste tunisien soit l’émetteur de l’appel, il a, en effet, fallu attendre que la page facebook officielle du GEN en parle et révèle son contenu pour que l’opinion publique tunisienne soit mise au courant.
Les insupportables ingérences de Ghannouchi
Dans la foulée et face aux critiques abondantes sur les réseaux sociaux, la présidence de l’ARP a tenté, désespérément et maladroitement, de sauver la mise, en publiant un statut sur le sujet, via la page officielle du Parlement, mais surtout, en omettant d’indiquer la raison principale de l’entretien téléphonique : les félicitations de Ghannouchi.
En effet, la page de l’ARP s’est lâchement contentée de reprendre d’autres éléments de la conversation ou d’y rajouter des éléments plus convenus et moins compromettants pour l’intéressé, en soulignant que son objet était simplement de dire à Fayez Sarraj qu’«il n’y aura pas de solution militaire au conflit libyen». Etait-ce si urgent de lui transmettre un message aussi soporifique ? Non bien sûr, car l’objet de l’appel était les félicitations. Et l’adversaire de M. Sarraj, le général Khalifa Haftar, chef de l’armée nationale libyenne, appréciera !
Très critiqué depuis son élection à la tête de l’ARP, Rached Ghannouchi continue donc à multiplier les bourdes politiques et communicationnelles.
Il continue, surtout, de marcher sur les plate-bandes du président de la république, c’est-à-dire la diplomatie et les relations internationales, sans informer ce dernier de ses ingérences dans un domaine qui n’est de son ressort et en engageant la Tunisie dans des positions partiales, car aveuglément alignées sur celles de ses Frères musulmans de Libye, de Turquie et du Qatar.
Président du parlement tunisien ou représentant des Frères musulmans en Tunisie ?
Ces bourdes ne sont pas, en réalité, des bourdes, puisqu’elles sont répétitives, donc délibérées et visent clairement à empoisonner les relations entre les palais de Carthage, du Bardo et de la Kasbah et à engager la politique étrangère de la Tunisie dans des directions sinueuses et problématiques pour un pays dont la diplomatie s’est toujours caractérisée par sa neutralité, notamment dans les conflits régionaux.
Hier, le député du bloc démocrate, Mongi Rahoui, a évoqué la possibilité de lancer prochainement une pétition pour appeler à la destitution du président de l’Assemblée. Une idée constamment proposée, depuis plusieurs semaines, par la présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi. Et qui est soutenue par des pans entiers de l’opinion publique lassée par les dérapages du chef du parti islamiste et son incapacité à honorer sa mission à la tête de l’Assemblée, transformée en succursale de l’organisation mondiale des Frères musulmans.
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