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L’après Covid-19 : Pour une relance verte ?

Le contraste dans le ciel de Ningbo en Chine. L’arrêt de l’activité et les mesures de confinement ont chassé la pollution (Photos prises par un habitant de la ville).

La pandémie du Covid-19 et ses conséquences sociales et économiques nous dicte de changer de paradigme et de saisir l’opportunité que nous a offert cette crise sanitaire inédite, pour prouver que continuer à améliorer le bien-être de l’Homme tout en préservant les ressources de la terre est une entreprise tout à fait jouable. C’est l’essence même du développement durable.

Par Dr Kais Nigrou

L’humanité a vécu durant les derniers siècles et d’une manière quasi-régulière des épidémies à échelle mondiale (appelées pandémies) en rapport avec des agents pathogènes (virus, bactéries…) plus ou moins nocifs. Ces pandémies sont même considérées comme un corollaire indissociable de la vie sur terre à l’instar d’autres phénomènes biologiques. Et bien que ces pandémies puissent différer selon l’agent pathogène en question, leur vitesse de propagation ou encore le nombre de victimes dont elles sont responsables, on peut noter des éléments de similitude non négligeables dans leur circonstances déclenchantes ou encore dans les bouleversements qu’elles puissent engendrer sur la vie de l’Homme.

Les pandémies : une revanche de la nature sur l’Homme ?

La pandémie Covid-19 ayant touché la majorité des pays de la planète est loin d’avoir été parmi les plus meurtrières des pandémies dont l’humanité a été victime. Jusqu’à cet instant du moins.

À titre comparatif, la peste noire, une anthropo-zoonose touchant communément l’homme et l’animal qui a sévi principalement au moyen-âge, a décimé pas moins du quart de la population européenne au 14e siècle. La grippe espagnole (due à une souche du virus H1N1) a été responsable, en 1918, d’un bilan macabre avoisinant les 50 millions de victimes, dépassant celui de la première guerre mondiale.

Mais au-delà des chiffres de morbidité ou de mortalité, est-il intéressant de rappeler qu’avant la fin du 19e siècle, les pandémies de grippe sévissaient à une fréquence moyenne de 3 fois/siècle avec un intervalle de 40 à 60 ans. Alors que cet intervalle s’est réduit de 10 à 40 ans dès le début du 20e siècle à cause notamment de l’accroissement de la population, de l’urbanisation et de la grande fréquence des échanges internationaux. L’urbanisation est même citée comme responsable du déclenchement de la peste à l’âge de bronze (ici la description de la peste est purement étymologique sans identification de l’agent pathogène à cette époque de l’antiquité).

Pour revenir à la grippe espagnole, rappelons que les premiers cas d’infections respiratoires mortelles ont été décrites chez les soldats britanniques qui se trouvaient au Camp d’Etaples (Pas de Calais- France) où se réunissaient toutes les conditions pouvant favoriser l’émergence d’une pandémie : surpeuplement, contact avec les animaux, exposition au gaz (mutagène).

Pour la pandémie Covid-19, la plupart des analyses convergent vers un changement de trajectoire dans la chaîne de transmission du virus (famille des coronavirus, zoonose connue depuis des millénaires chez l’espèce animale), qui est passé de l’animal à l’homme (chauve-souris) à cause de conditions particulières de promiscuité et de contact avec les animaux dans certaines villes chinoises. Certaines de ces analyses attestent même que la multiplication de certaines zoonoses ou leur changement de trajectoire sont une conséquence directe aux bouleversements des écosystèmes suite notamment aux déforestations étendues. Ces pandémies seraient-elles alors une revanche de la nature sur l’homme ? On pourrait croire que oui.

Caractéristiques inédites de la pandémie Covid-19

Si, comme signalé plus haut, des éléments de similitude existent entre ces nombreuses pandémies qu’a connues l’humanité, la singularité de la Covid-19 réside en une caractéristique cruciale : jamais une pandémie n’avait évolué dans un contexte de globalisation et de mondialisation comparables. Ni de part la fréquence et la vitesse de la mobilité des personnes entre différents pays, ni dans la vitesse de transmission et de partage de l’information. Il en résulte une contagiosité impressionnante, mais surtout une convergence de la lutte mondiale contre cette pandémie, bien qu’avec une réactivité et des moyens (sanitaires principalement) qui peuvent varier d’un pays à un autre.

Il est très peu probable en effet que, dans l’histoire de l’humanité, l’on ait connut un confinement généralisé touchant pratiquement le tiers des habitants de la planète, et ce pour une période de 2 ou 3 mois consécutifs !

À titre comparatif, et pour revenir à la grippe espagnole, qui n’a d’espagnol que le nom (la première description de la maladie s’est faite en Espagne, pays resté neutre dans la première guerre mondiale, alors que l’information a été censurée dans les principaux pays intéressés par la propagande guerrière), les premières mesures de distanciation sociales ont été décrites en novembre 1918 par un médecin de ville américain le Docteur Max Starkloff en limitant les attroupements de personnes et en fermant les écoles. Il est à noter également qu’à l’époque, l’Australie était le seul pays à avoir pratiqué des mesures de quarantaine rigoureuses.

Ces réponses pour limiter la propagation du virus, n’ont donc rien à voir en termes de standardisation et de rapidité d’exécution à ce que l’on a pu voir lors de la pandémie Covid- 19. Ce confinement global et inédit a entraîné deux effets contradictoires : d’une part une récession économique, dont les retombées sociales vont perdurer durant les mois, voire les années à venir, et d’autre part un effet bénéfique sur l’environnement, conséquence directe de la diminution de la mobilité humaine utilisant d’habitude les moyens de transport polluants, d’une baisse de la consommation avec la production d’une moindre quantité de déchets, et de l’arrêt de nombreux secteurs de l’industrie émetteurs des gaz à effet de serre.

New Delhi le 8 novembre 2018 et le 8 avril 2020 : la pandémie du Covid-19 a du bon (Ph. Reuters).

Améliorer le bien-être de l’Homme et préserver les ressources de la terre

Comment alors concevoir la relance économique dans ce contexte ? Il y aura un avant et un après Covid-19. C’est ce qu’on a entendu à plusieurs reprises de la part de certaines sphères intellectuelles, de politiciens ou encore de militants écologistes. Mais qu’en est-il vraiment? Car si l’on considère que la pandémie est déjà derrière nous (rien n’est pour le moins certain en l’absence notamment d’un traitement et d’un vaccin efficaces), le premier challenge auquel seront confrontés la plupart des gouvernements est celui d’une relance économique qui recrée de la richesse, sauve ou assure la pérennité des entreprises, offre des emplois et assure la continuité des services sociaux.

La réponse de certains pays ou gouvernements à cette pandémie a même ignoré ou relégué au second rang les raisons sanitaires en faveur des raisons économiques (Etats- Unis, Brésil, Grande-Bretagne, Suède…). Que dire alors de considérer l’aspect environnemental !

D’un autre côté, il ne faut pas méconnaître l’aspect inégalitaire qu’a pu avoir ce confinement prolongé sur les différentes catégories sociales. Même réflexion, si l’on considère des capacités, des moyens et des priorités entre pays fondamentalement distincts quant à la manière avec laquelle ils vont pouvoir remonter la pente sur le plan économique et social.

Nous avons encore tous en mémoire le phénomène des gilets jaunes en France responsable, il y à une année à peine, d’une crise politique et sociale inédite, et dont le primum movens était une taxe censée diminuer la production des gaz à effet de serre (taxe carbone) ! Imposer donc une relance qui met sur le même piédestal raisons économiques et raisons environnementales n’est pas aussi évident qu’on puisse le penser. Et pourtant l’opportunité est là! Et elle est loin d’être réservée aux plus riches!

Quand on parle de digitalisation des services et de l’administration, de l’éducation à distance, de télémédecine, de télétravail ou encore de webinaires, ce n’est pas une vue de l’esprit. Mais il s’agit bel et bien du développement de concepts qui, bien que connus avant la pandémie Covid-19, prennent actuellement toute leur importance et leur valeur.

Réflexion également valable pour l’utilisation moins polluante et plus intelligente des moyens de transport (les images satellites de la diminution de la pollution en Chine pendant le confinement sont d’une clarté impressionnante!). Même considération pour la diminution de la production de déchets (effet direct du confinement et donc d’une diminution de la consommation), qui rajouté aux concepts de recyclage et de valorisation font de l’économie circulaire un exemple type de protection de l’environnement, de création d’emploi et d’intégration sociale.

L’importance de l’autosuffisance en certains produits sanitaires pendant la pandémie (médicaments, tests de dépistage, masques, appareils d’assistance respiratoires…) poussent aussi à la réflexion pour le développement, la reconversion ou la relocalisation de certaines industries aboutissant à une meilleure gestion d’éventuelles crises sanitaires dans le futur et à un impact carbone plus clément pour la planète.

Le 21e siècle, plus que toute autre époque, a vu surgir le débat houleux entre les partisans d’une croissance effrénée, créatrice de richesse, d’emploi et de bien-être matériel et les défenseurs de l’environnement conscients de l’impact négatif de la vie humaine sur la planète qui l’abrite. Mais sommes-nous ici dans l’obligation de trancher entre deux idéologies irréconciliables?

Peut-être devrions-nous changer de paradigme, et saisir l’opportunité que nous a offert cette crise sanitaire inédite, pour prouver que continuer à améliorer le bien-être de l’Homme tout en préservant les ressources de la terre est une entreprise tout à fait jouable. C’est l’essence même du développement durable. Alors osons et agissons pour un avenir meilleur !

* Conseiller municipal à la Marsa.

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