La Tunisie est sur le point de renoncer à une mesure ayant grandement contribué à la maîtrise de la propagation du coronavirus : la mise en quarantaine obligatoire des individus arrivant de l’étranger. Une décision qui pourrait être, selon toute vraisemblance, «suicidaire»…
Par Cherif Ben Younès
Dès demain, jeudi 18 juin 2020, les ressortissants tunisiens rapatriés de l’étranger (des centaines par jour) pourront se contenter d’une auto-quarantaine chez eux, pour peu qu’ils présentent, à leur arrivée sur le sol tunisien, une attestation datant de 3 jours – au plus – prouvant qu’ils ne sont pas contaminés par le coronavirus.
Etre dépendant de la conscience des gens est une très mauvaise idée
Toutefois, il est tout à fait possible qu’un individu contracte la maladie après avoir effectué son test de dépistage (à l’aéroport du pays dont il arrive par exemple), et qu’il ne présente pas de symptômes à son arrivée en Tunisie, la période d’incubation du SARS-CoV-2 étant, pour rappel, de 14 jours.
Cette possibilité sera même très probable et concernera plusieurs personnes retournant de l’étranger, étant donné la criticité de la situation épidémique dans de nombreux pays du monde. Résultat : notre pays dépendra exclusivement de la conscience de ces futurs éventuels porteurs du virus, qui ne se douteront même pas de leur contamination.
Autant dire que la deuxième vague de la Covid-19 est imminente et qu’elle sera inévitable en Tunisie, car les expériences antérieures ont indéniablement montré que compter sur le sens de la responsabilité des gens est, tout bonnement, une idée insensée.
D’autant plus qu’à partir du 27 juin, ce ne sont plus des centaines, mais des milliers de personnes qui reviendront de l’étranger, quotidiennement, avec la réouverture des frontières.
Face à ce danger imminent, des citoyens ont lancé plusieurs appels, notamment via les réseaux sociaux, pour demander au gouvernement de renoncer à sa décision de lever la mise en quarantaine obligatoire pour les personnes revenant de l’étranger.
Adapter le flux des arrivants aux capacités du pays à les mettre en quarantaine obligatoire
Des spécialistes sont également du même avis, à l’instar de Sami Rekik, directeur régional de la santé à Sousse, qui a ouvertement invité le gouvernement, aujourd’hui, dans une déclaration sur les ondes de Shems FM, à réviser sa décision, ou encore de Samir Abdelmoumen, médecin urgentiste et membre de la Commission nationale de lutte contre le coronavirus, qui a mis en garde, sur facebook, contre «un drame» dû à la nouvelle mesure gouvernementale.
Ce ne sera certes pas facile, ne serait-ce que d’un point de vue logistique, de soumettre, continuellement, des milliers voire des dizaines de milliers de personnes à la quarantaine obligatoire, d’autant que les frais d’hébergement dans les hôtels seront à la charge de l’Etat, dont les finances sont très exsangues, mais a-t-on vraiment le choix ?
La prise de risque du gouvernement semble mal pensée et excessivement démesurée, d’où la nécessité d’envisager d’autres solutions que la levée de la quarantaine obligatoire, comme l’adaptation du flux des nouveaux arrivants (via les différentes voies) à la capacité du pays à gérer leur isolement, tout en faisant évoluer, avec le temps, ces deux paramètres (la capacité d’accueil et celle de la mise en quarantaine).
Les pertes financières causées par ces contraintes seraient incomparables avec celles que le pays aurait à assumer si la maladie venait à s’y propager encore une fois. On est d’ailleurs bien placés pour le savoir puisqu’on sort, tout juste, de 3 mois de confinement sanitaire général qui a presque mis l’économie du pays à l’arrêt.
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