Deux ans après la sortie de son dernier film sur l’artiste photographe Jacques Pérez «La Tunisie de Jacques Pérez» (2018), le réalisateur et producteur franco-tunisien Saïd Kasmi Mitterrand consacre son nouveau documentaire au peintre orientaliste Alexandre Roubtzoff qui avait mené une grande partie de sa vie et de sa carrière en Tunisie.
Par Fawz Ben Ali
Souhaitant rendre hommage à ces grandes figures ayant marqué l’histoire de l’art en Tunisie, Saïd Kasmi Mitterrand a entamé une série de documentaires d’abord avec le photographe Jacques Pérez, puis avec le peintre Alexandre Roubtzoff, soutenu dans cette aventure par son père Frédéric Mitterrand dont la voix nous accompagne tout au long du film.
Un artiste majeur dans l’histoire de l’art en Tunisie
«La Tunisie d’Alexandre Roubtzoff» est un documentaire de 60 minutes sur l’artiste peintre russe naturalisé français, Alexandre Roubtzoff qui a vécu et travaillé en Tunisie depuis 1914 jusqu’à sa mort en 1949, nous offrant une série de témoignages, de documents rares, de dessins, de peintures… dans une démarche rétrospective et biographique, mais qui répond aussi à un devoir de mémoire et de gratitude à un personnage majeur qui a beaucoup donné à l’histoire des arts plastiques et au patrimoine culturel en Tunisie, car «il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire», disait Jean d’Ormesson dans son discours de réception à l’Académie Française en 1974, une citation qui s’accorde parfaitement à l’esprit du film, et que le réalisateur a mis en exergue au générique du début.
Alexandre Roubtzoff débarque donc en 1914 en Tunisie, et précisément à la Goulette, il tombe d’abord amoureux de la mer de la banlieue nord avant de s’aventurer vers les régions intérieures et jusqu’au désert. «Il vient de trouver la lumière, le bleu du ciel et de la mer, les sites, les maisons et les gens qu’il imaginait dans ses rêves», comme le dit Frédéric Mitterrand.
Initié au dessin par sa tante puis au sein de l’Académie Russe des beaux-arts, Alexandre Roubtzoff ne quitte plus ses crayons et ses pinceaux. Malgré ses multiples influences impressionnistes puis surréalistes et ses débuts dans la peinture d’intérieurs pour les familles aristocrates, Roubtzoff refuse d’appartenir à un mouvement particulier, car il tenait absolument à son indépendance et à la spontanéité de ses œuvres.
Sa terre d’adoption et sa principale muse
Porté par la soif de découvrir le pays et de s’imprégner de sa culture, l’artiste «tunisifié» développe une proximité inédite avec les gens du peuple. Des femmes, des hommes, des jeunes et des moins jeunes ont fait partie de cette œuvre colossale qui s’offre à nous aujourd’hui, composée de carnets de dessins, de peintures, de paysages et de portraits.
Saïd Kasmi Mitterrand a également invité plusieurs personnalités ayant côtoyé Roubtzoff dans leur jeunesse ou ayant fait des travaux de recherche sur son œuvres ; on cite Paul Boglio (président de l’Association artistique Alexandre Roubtzoff), Patrick Dubrecq (historien et auteur de «Alexandre Roubtzoff, une vie en Tunisie»), Alya Hamza (journaliste, et auteure de «Alexandre Roubtzoff, peintre tunisien») et Jacques Pérez (photographe et auteur de «Alexandre Roubtzoff et la Médina de Tunis» et «Alexandre Roubtzoff, la Tunisie») qui rapportent chacun des témoignages inédits sur cet artiste qui a choisi de faire de la Tunisie sa terre d’adoption et sa principale muse.
Saïd Kasmi Mitterrand nous embarque également dans une sorte de road-trip sur les traces des espaces et des lieux ayant constitué d’importantes escales dans la carrière de l’artiste : Carthage, Sidi Bou Saïd, Bizerte, Hammamet, Siliana, Djerba… il s’y arrêtait comme un promeneur solitaire, sans jamais se séparer de ses carnets de dessins afin de saisir l’instant face à l’immensité de la mer ou du désert, fasciné aussi par l’architecture d’un palais, d’une arcade ou par le mystère d’une étroite ruelle … sans jamais céder aux stéréotypes de l’exotisme, car son crayon demeure fidèle à son regard tendre et émerveillé.
«Alexandre Roubtzoff m’a fait redécouvrir mon pays natal, que je croyais connaître, mais sans l’avoir regardé attentivement dans son entièreté. (…) Durant toutes ses longues années au service de l’art et de son pays d’adoption, il n’a cessé de créer, laissant en héritage, un immense patrimoine d’une valeur exceptionnelle pour les générations futures, les amateurs, les historiens d’art…», explique le réalisateur.
La première projection du film aura lieu le 23 septembre 2020 à l’Institut du monde arabe à Paris, en attendant de le programmer dans les salles tunisiennes.
Saïd Kasmi Mitterrand annonce qu’il est en ce moment en train de travailler sur son prochain film qui sera dédié à la mémoire de l’ancien président de la République Béji Caïd Essebsi décédé le 25 juillet 2019.
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