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Le poème du dimanche: ‘‘Chœur des orphelins’’ de Nelly Sachs

Nelly Sachs, née le 10 décembre 1891 à Schöneberg (Empire allemand) et décédée le 12 mai 1970 à Stockholm, est une poétesse suédoise d’expression allemande du XXe siècle. Elle a également traduit en allemand des anthologies de poésie suédoise. Elle recevra le Prix Nobel de littérature en 1966.

Née au sein d’une famille juive allemande aisée, Leonie Nelly Sachs commence à écrire des poèmes à 17 ans. Elle vit douloureusement les persécutions nazies, et échappe au régime en mai 1940, grâce à la célèbre femme de lettres suédoise Selma Lagerlöf, la première femme à recevoir le prix Nobel de littérature en 1909, et dont l’œuvre la fascinait depuis son très jeune âge et avec qui elle entretenait une relation épistolaire. Nelly Sachs trouve ainsi refuge avec sa mère à Stockholm, qu’elle ne quitte plus jusqu’à son décès.

Plusieurs membres de sa famille sont cependant victimes des camps nazis. Les terreurs qu’elle vécut alors et le drame des camps de concentration la marquent profondément et altèrent fortement sa santé mentale. Son œuvre naîtra de la Shoah, et fera d’elle l’une des poétesses majeures du XXe siècle. Son premier recueil, paru en 1946 et intitulé ‘‘Dans les demeures de la mort’’ traite de la nuit, du souvenir et de l’exil.

La poétesse, dont la notoriété s’est imposée au fil des ans, obtient le prix Nobel de littérature en 1966 qu’elle partage avec Shmuel Yosef Agnon. Elle mourra quatre ans plus tard, quelques semaines après Paul Celan dont elle fut l’amie et avec qui elle entretint une riche correspondance de 1954 à 1969.

Nous les orphelins
nous portons plainte contre le monde :
on a abattu notre branche
et jeté dans le feu –
de nos protecteurs on a fait du bois pour se chauffer –
nous les orphelins reposons dans les champs de la solitude.

nous les orphelins
nous portons plainte contre le monde :
dans la nuit nos parents jouent à se cacher de nous –
derrière les draperies de la nuit
leurs visages nous regardent,
parlent leurs bouches :
bois mort nous fûmes dans la main d’un bûcheron –
mais nos yeux sont devenus des yeux d’ange
et vous regardent,
à travers les noires draperies de la nuit
ils vous voient –

nous les orphelins
nous portons plainte contre le monde :
pierres avons nous maintenant pour jouets

pierres qui ont des visages, visages de père et mère
elles ne se fanent pas comme les fleurs, elles ne mordent pas comme les bêtes –
et elles ne brûlent pas comme du bois mort, quand on les jette dans le four –

nous les orphelins
nous portons plainte contre le monde :
monde pourquoi as-tu pris nos tendres mères
et les pères qui disent : mon enfant comme tu me ressembles !
nous les orphelins nous ne ressemblons plus à personne au monde !

Ô monde
nous portons plainte contre toi!

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