Pour tout ami et amoureux de Djerba, il y a des petites choses dans la vie de tous les jours qui poussent à la réflexion, si ce n’est à la réprobation et à la colère. De l’avis de la population, Djerba souffre de maux chroniques… depuis des décennies. Voici quelques uns des problèmes qui la touchent profondément et freinent son essor véritable.
Par Fathi Ben Hamidane *
L’éternel problème des bacs
Le 25 juillet, jour de fête nationale et, depuis ce jour-là, sur la flottille des bacs reliant le Jorf à Djerba un seul bac est en service et la file d’attente est, comme souvent, interminable. Les délais d’attente sont au plus haut et le moral du citoyen et du visiteur au plus bas. Dans ces conditions, oser parler de la promotion du tourisme et de la dynamique économique est une vue de l’esprit et un vœu pieux. Les habitants de Djerba et du sud-est tunisien, ainsi que les vacanciers et les estivants, s’interrogent sur le pourquoi et le comment. Ils ne trouvent aucune explication autre que le laisser-aller, la désinvolture du personnel chargé de l’exploitation des bacs et l’attitude, jugée délibérée par certains, de freiner l’essor de l’île. Pourquoi, en effet, n’y a-t-il jamais eu de véritables bacs, spacieux et à horaires fixes, à l’instar de ceux qui relient Sfax à Kerkennah?
Il convient en outre de signaler la manœuvre trompeuse et mensongère qui consiste à afficher sur des tableaux électroniques le nombre de bacs en service des deux côtés, information très souvent erronée et bien loin de la réalité. Pire encore, l’information donnée par téléphone l’est également. De ce fait, nombreux sont ceux qui pensent que, si au moins l’autoroute ne s’arrêtait pas désespérément et ad aeternam à Gabès, l’accès à l’île n’en serait que considérablement facilité et accéléré.
Port de plaisance pas très plaisant
Toujours dans un contexte maritime, peut-être serait-il utile d’aborder aussi la question de l’aménagement du port de plaisance de la Marina de Houmt Souk. Des gens de passage et des locaux se plaignent de la laideur du site due à la présence des gros mastodontes que sont les «bateaux pirates» spécialisés dans les excursions vers l’Île aux flamants roses. Ils considèrent que ces bateaux encombrent le port, bouchent la vue et obstruent le passage de l’air et de la lumière. La logique et le bon sens voudraient plutôt que ce soit les bateaux de plaisance et autres voiliers qui amarrent à l’entrée du port, tout devant. De manière à ce qu’ils soient agréablement attirants par la sérénité de leur blancheur et de telle sorte qu’ils soient une véritable invitation au voyage et au rêve.
Vols Tunis-Djerba-Tunis et «retards ponctuels»
Autre motif de mécontentement et de questionnement : les retards répétitifs, récurrents et longs sur les vols intérieurs entre Tunis et Djerba et vice versa. Des retards, de trois à quatre heures parfois, ne sont pas rares du tout et il serait judicieux et pertinent d’examiner les statistiques et de se pencher sur l’historique à cet égard. Une personne malade ou un homme (ou une femme) d’affaires n’a d’autre choix que de prendre son mal en patience et subir en silence. Sommes-nous réellement en 2020 ?
Mosquées à mille lieux du bon goût et de la tradition
Autre anomalie, autre bizarrerie: l’apparition anarchique, contraire au bon goût, à l’esthétique et aux traditions séculaires en Tunisie, de mosquées bariolées et bigarrées, peintes de couleurs étranges, inhabituelles à dix milles lieux du blanc et bleu qui font la beauté et le charme de la Tunisie. Le ministère des Affaires religieuses et celui de l’Aménagement du territoire et des collectivités locales n’auraient-ils pas leur mot à dire ?
La problématique des chiens errants
Un autre problème qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours est celui des chiens errants. La tuerie dans le chenil en a ému plus d’un. La protection des animaux est certes une obligation mais le phénomène à Djerba est tel que les habitants expriment une certaine crainte pour eux-mêmes et pour leurs enfants.
En plus du danger encouru dans les rues, dans les campagnes, dans les zones résidentielles, un peu partout, le citoyen se plaint des nuisances diurnes, et surtout nocturnes, occasionnées par ces compagnons fidèles de l’homme, ces bêtes innocentes abandonnées, dans pas mal de cas, par leurs maîtres et propriétaires partis à l’étranger. D’où l’urgence d’appréhender le problème dans sa globalité une bonne fois pour toutes, dans le calme et la sérénité, loin de toute crispation et de toute surenchère. Dans l’intérêt général.
La bonne gouvernance victime de la lenteur administrative
Un dernier sujet majeur enfin est celui de la bonne gouvernance, de la décentralisation et de l’emploi des jeunes diplômés.
On parle de plus en plus de développement durable, d’encouragement à la création d’entreprises et d’aide aux jeunes. Or, un exemple concret, parmi tant d’autres, illustre bien le fossé immense existant entre les vœux pieux et la concrétisation des politiques positivistes et bienveillantes qui peinent à donner leur fruit.
Il s’agit en l’occurrence d’un jeune ingénieur industriel diplômé qui galère depuis de longues années pour démarrer un projet prometteur pour l’île et pour la région, avec, à la clef, la création d’emplois.
Les interminables tracasseries administratives, bancaires et autres en décourageraient plus d’un. Les allers-retours incessants et lourds à supporter entre Djerba, Médenine, le siège du gouvernorat, et Tunis, allant toujours de pair avec l’éternel «revenez demain» et le sempiternel «il manque tel papier», ont été la même rengaine tout au long de ce parcours du combattant de ces cinq logues années.
Lueur d’espoir et optimisme
Heureusement, il existe des points positifs et des motifs d’espoir et de satisfaction.
L’île est de plus en plus belle, de plus en plus attirante. Elle a beaucoup gagné en propreté et son aménagement va dans le bon sens, même s’il reste encore beaucoup à faire. Elle connaît une expansion croissante du tissu associatif, une participation accrue de la société civile et un engouement remarquable sur les réseaux sociaux. Elle possède en plus un atout majeur : une jeunesse qui fait plaisir à voir, dynamique, active, réactive et créative.
Par ailleurs, la station radio locale, qui se reconnaîtra, fait la fierté des habitants de l’île, et de la région. Elle œuvre sans relâche, avec sérieux et abnégation, à trouver les solutions aux problèmes rencontrés dans la vie de tous les jours. Certaines interviews avec des dignitaires et des responsables de la région vont entrer dans la légende. Le travail de tout son staff honore cette station et fait le bonheur de ses auditeurs. Elle est de ce fait digne d’éloges car elle remplit parfaitement sa mission avec professionnalisme et objectivité.
* Ancien fonctionnaire international et enseignant universitaire.
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