Que la partitocratie tunisienne corrompue et clientéliste ait mis à genoux la Tunisie et que nous sommes arrivés à la faillite par le système consacrant cette partitocratie est un fait. Toutefois, en quoi consiste concrètement le projet de la «Nouvelle construction» défendu corps et âme par Kaïs Saïed et ses disciples? Est-il réalisable? Un projet aussi radical qui brutalisera le pays déjà vulnérable est-il envisageable? Le projet de M. Saïed n’est pas sacré et doit être sérieusement débattu.
Par Imed Bahri
Nous présenterons ci-dessous le contenu et les contours de la «Nouvelle construction» préconisée par M. Saïed pour remplacer les systèmes politique et électoral actuellement en place en Tunisie et qui font des partis la pierre angulaire dans la représentation populaire.
Pour barrer la route à l’argent sale et permettre au plus grand nombre possible de citoyens de participer à la vie politique sans avoir besoin de fonds énormes, la circonscription électorale aura la taille d’une délégation (sous-préfecture). Ce qui permettra à tout citoyen de faire campagne dans sa circonscription, qui compte quelques milliers d’électeurs, sans avoir besoin de machines électorales et d’énormes moyens financiers.
Une démocratie plus directe et une représentation plus populaire
– Le scrutin uninominal à deux tours permettra aux électeurs de choisir leur représentant en connaissance de la nature, de l’histoire, de la biographie, des compétences et de la réputation du candidat qu’ils connaissent de près, étant un habitant de la même délégation et connaissant ses problèmes.
– Des conseils locaux élus formant une autorité législative locale participent à la détermination du modèle de développement des localités et surveillent étroitement l’autorité exécutive locale, c’est-à-dire l’administration publique.
– Les membres des conseils régionaux, émanation des conseils locaux, sont tirés au sort périodiquement pendant la période de 5 ans parmi les membres des conseils locaux. Ces conseils régionaux sont également affiliés à l’autorité législative. Ils participent à la détermination du modèle de développement dans les régions et contrôlent étroitement le pouvoir exécutif régional.
– Pour couronner ce dispositif, un conseil législatif est constitué. Il sera composé de 265 représentants issus des conseils locaux (chacun représentant une délégation) en plus des représentants des Tunisiens de l’étranger élus par le mécanisme de la liste ouverte.
– Sur un plan local, les électeurs peuvent retirer la confiance aux membres de leur conseil municipal pendant leur mandat de 5 ans si ces derniers s’écartent de leurs engagements, les nient ou se livrent à la corruption.
– Le président de la république, élu directement par le peuple à l’issue d’élections individuelles à deux tours, nomme son gouvernement et porte l’entière responsabilité du pouvoir exécutif et est soumis à la supervision des représentants du peuple du central au local.
Ce projet radical est-il seulement applicable ?
Voici le fameux projet radical que propose Kaïs Saïed comme alternatif à la partitocratie tunisienne corrompue et clientéliste. Le fait que le système actuel qui repose sur cette partitocratie ait consacré l’instabilité et qu’il est en faillite est un fait. Nous ne pouvons qu’être d’accord sur ce diagnostic. Toutefois, le projet de M. Saïed et de ses disciples est purement théorique. Il y a lieu donc de s’interroger sur sa faisabilité? Est-il réalisable? Est-il applicable? Ou bien est-ce un projet utopiste qui se fracassera sur le mur de la réalité comme les propos incantatoires, les formules magiques et les envolées lyriques de M. Saïed?
Les disciples de M. Saïed, à l’instar des jeunes quand ils sont séduits par des idées et encore plus hypnotisés par une personne deviennent très enthousiastes, et ce grand enthousiasme se fait hélas aux dépens de la réalité et de la rationalité.
Déjà que le pays est fatigué et fragilisé, un projet aussi radical le brutalisera encore davantage et finira par l’achever totalement. Mais M. Saïed et ses disciples, coincés dans leurs certitudes et croyant détenir le secret d’un miracle et faisant preuve d’un grand dogmatisme, devraient faire preuve de plus d’humilité et de moins de rigidité intellectuelle et s’interroger sérieusement sur les failles de leur projet, qui n’en manque.
Donnez votre avis