Quatre membres du gouvernement Elyès Fakhfakh se sont illustrés en très peu de temps. Ils ont prouvé qu’on peut être ministre, travailleur, efficace, patriote et honnête homme et que la médiocratie, qui est notre lot en Tunisie depuis 2011, n’est pas une fatalité. Est-ce parce qu’ils étaient très bons qu’ils n’ont pas été retenus dans le gouvernement Hichem Mechichi ?
Par Chedly Mamoghli *
Bien qu’éphémère le gouvernement Fakhfakh a permis au moins de faire émerger un grand ministre des Finances en la personne de Nizar Yaïche. Cet homme qu’on ne connaissait pas avant s’est distingué par son sérieux, sa force de travail, le fait d’avoir maîtrisé ses dossiers en si peu de temps, d’avoir vite fait le bon diagnostic de la situation et en moins de six mois d’avoir commencé à apporter des solutions, à ouvrir de nouvelles pistes et à faire bouger les lignes.
Nizar Yaïche aurait pu être le grand argentier de l’Etat
L’homme est discret et réservé, le profil adéquat pour être le grand argentier de l’Etat. Il méritait de continuer à diriger ce département très technique d’autant plus que c’est un vrai indépendant mais apparemment il n’était pas dépendant des réseaux d’influence et des groupes d’intérêt, les vrais maîtres du pays qui considèrent que les hauts responsables doivent leur être inféodés et sont là pour les servir. La vraie indépendance avant qu’elle ne soit partisane, elle l’est à l’endroit de ces réseaux d’influence et de ces groupes d’intérêt. Sous le soleil de Tunisie, on écarte Nizar Yaïche du gouvernement et on y maintient Ali Hafsi Jeddi! C’est comme ça, que voulez-vous? Vive la médiocrité!
Noureddine Erray, le chef de la diplomatie dont la Tunisie a besoin
Également, ce gouvernement a compté dans ses rangs Noureddine Erray, un éphémère ministre des Affaires étrangères, un commis de l’Etat dévoué, intègre et qui en bon diplomate a pris au sérieux sa mission de chef de la diplomatie tunisienne, a voulu réformer, changer les mauvaises habitudes qui ont la peau dure, réparer ce qui n’allait pas et choisir les profils adéquats pour chaque poste. Hélas, celui qui l’a propulsé à ce poste au lieu de l’appuyer et de l’aider à prendre ses marques et à entreprendre ce travail l’a lâché et s’est séparé de lui d’une manière aussi injustifiée que brutale. Le président Saïed a préféré donner raison à la nouvelle «Régente de Carthage», sa cheffe de cabinet (Nadia Akacha, Ndlr) pour qui M. Erray n’était pas à son goût.
Imed Hazgui aurait fait un bien meilleur ministre de l’Intérieur que l’actuel titulaire du poste
D’ailleurs, un autre commis de l’Etat sérieux Imed Hazgui, ex-ministre de la Défense, n’a pas fait long feu avec M. Saïed. À ce point M. Saïed se lasse aussi rapidement des gens? C’est un signe inquiétant. Toutefois, il ne se lasse jamais de la Régente de Carthage qui jour après jour ne cesse de prendre du pouvoir alors qu’elle n’a prouvé aucune compétence et aucun impact positif sur le rendement du président de la république.
Mohamed Abbou, un homme d’honneur dans une république de copains et de coquins
Enfin, je voudrai rendre hommage à Mohamed Abbou, ex-ministre de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption, un homme d’honneur qui, quoi qu’en disent les mauvaises langues qui jouent aux héros anti-islamistes et qui, une fois qu’ils sont au pouvoir, se mettent à les caresser dans le sens du poil voire qui deviennent leur chose, et bien lui n’a pas hésité à leur sortir leurs dossiers (financement occulte, blanchiment d’argent, provenance de leurs biens meubles et immeubles, affairisme, magouilles en tous genres…) et les a transmis à la justice sans les craindre… Quand il en a eu l’occasion, il ne les a pas ratés. Maintenant, c’est au pouvoir judiciaire de faire son travail. Ce n’est pas à M. Abbou de se substituer à la justice. Nous devons reconnaître à ce gouvernement que c’est aussi sous son ère que l’inamovible juge Béchir Akremi, Ennahdha compatible, a été déboulonné.
Hélas, ces quatre hommes de valeur n’ont pas pu durer à la tête de leurs départements respectifs à l’heure où le bateau ivre qu’est devenu la Tunisie va dans tous les sens et où l’instabilité, véritable maladie congénitale du système actuel, ne cesse de causer des désastres mais je suis certain que le jour où ce cauchemar prendra fin, car tout a une fin, que notre grand argentier, notre diplomate compétent, notre commis de l’Etat et notre homme d’honneur retrouveront les places qu’ils méritent et travailleront avec des gens qui sauront apprécier leur valeur.
* Juriste.
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