En nommant un acteur de la normalisation avec Israël au poste de représentant permanent de la Tunisie aux Nations unies, le locataire du Palais de Carthage ne peut plus jouer au champion de l’anti-sionisme avec ses envolées lyriques sur la Palestine, et qui ne trompent plus personne.
Par Imed Bahri
Kaïs Saïed, l’imbattable champion toutes catégories confondues de la cause palestinienne, le pape de l’antisionisme, celui qui a crié en colère durant le débat de l’entre-deux-tours des élections présidentielles «on ne dit pas normalisation avec l’entité sioniste, on dit trahison suprême» et qui a entamé son mandat à Carthage par le limogeage de Khemaïes Jhinaoui de son poste de ministre des Affaires étrangères car il avait travaillé dans les années 1990 dans le bureau de liaison tunisien à Tel Aviv; et bien ce Kaïs Saïed, oui ce même Kaïs Saïed nomme Tarak El-Adab, qui a travaillé lui aussi dans ce même bureau de liaison tunisien à Tel Aviv aux côtés de Khémaies Jhinaoui et de son successeur, représentant permanent de la Tunisie aux Nations Unies.
Saïed s’est-il fait piéger? Est-il si mal informé ? Le CV de Tarak El-Adab qu’on lui a présenté aurait-il été bidouillé ? Ou bien une révolution culturelle est-elle en train de secouer le cerveau présidentiel et M. Saïed est en passe de renoncer à ses titres de champion de la cause palestinienne et de l’anti-sionisme?
Dans tous les cas, Kaïs Saïed s’est fait piégé. Ici, le diplomate Hichem Marzouki et ancien collègue de Tarak El-Adab aux Affaires étrangères revisite cet épisode. Les esprits farfelus et les démagogues feront preuve de mauvaise foi et essayeront de décrédibiliser le frère de Moncef Marzouki mais il ne faut pas tomber dans cette mauvaise foi de la personnification et il faut s’en tenir aux faits. Voici la traduction française du post en langue arabe qu’il avait publié hier, lundi 14 septembre 2020, sur sa page Facebook. Très édifiant…
«Normalisation cachée, la voie de passage aux Nations Unies»
Une question se pose et s’impose, pourquoi la Présidence de la République accorde-t-elle autant d’attention à notre représentation permanente aux Nations Unies, un intérêt excessif qui s’est soldé par un échec cuisant avec le limogeage du vétéran et ambassadeur expérimenté, Moncef El-Baati, en février dernier, et une véritable tragédie en Tunisie, avec la dissidence de l’excellent ambassadeur, Kaïs Kabtani ces derniers jours.
Outre l’importance de ce poste en tant que tel, il convient de rappeler que la Tunisie a été élue en juin 2019 comme membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2020-2021. Un poste honorifique destiné à démocratiser le Conseil contrôlé par les grandes puissances. Cependant, il a acquis un grand caractère symbolique durant cette période, pour de nombreux pays de notre région arabe et du monde considérant que les Nations Unies vont accueillir ces jours-ci un événement important mais désastreux pour le peuple palestinien et tout le monde arabe et islamique, qui est le soi-disant «accord de normalisation» entre les systèmes familiaux des Al-Nahyan et des Saoud et du régime égyptien ainsi que d’autres régimes tremblants au détriment des droits nationaux et inébranlables du peuple frère palestinien.
D’où l’importance de la présence d’un ambassadeur pour un pays arabe, la Tunisie, pour sa symbolique en tant que… berceau des révolutions arabes.
D’où l’importance et l’insistance à ce que ce poste n’échoit pas à un diplomate de poids qui dérangerait certains et la promotion d’un diplomate ayant leur confiance connu pour avoir travaillé dans les pays du Golfe ainsi qu’à Tel Aviv et aux Etats-Unis…
Celui qui a encore des doutes à ce sujet devrait réécouter ce que l’ancien ministre des Affaires étrangères Khemaïs Jhinaoui a confirmé à maintes reprises, à savoir qu’il a occupé le poste de «Représentation des intérêts tunisiens à Tel Aviv» de mai 1996 à juillet 1997 uniquement, avec à ses côtés Tarek El-Adab, lequel a travaillé aussi avec le successeur de M. Jhinaoui, sur la base des documents officiels du ministère des Affaires étrangères lui-même… et de sa correspondance au sujet de sa participation, à un séminaire supervisé par le Conseil de sécurité et de coopération européenne (CSCE), du 2 au 4 juin 1996 dans la capitale de l’Etat hébreu et dans plusieurs autres domaines jusqu’à la fermeture du bureau de la honte, sous la pression de l’opinion publique tunisienne, avec la grande Intifada palestinienne.
Qu’avez-vous dit (monsieur le président Saïed, Ndlr)? «La normalisation est une trahison suprême …»
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C’est ainsi que Hichem Marzouki conclue sa missive sur un ton moqueur comme pour dire que Kaïs Saïed, qui avait qualifié la normalisation avec Israël de trahison suprême, nomme aujourd’hui représentant permanent de la Tunisie à New York un acteur de la normalisation du côté tunisien durant les années 1990. Ainsi, le locataire du Palais de Carthage ne peut plus jouer au champion de l’anti-sionisme avec ses envolées lyriques sur la Palestine, qui ne trompent plus personne.
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