Pendant 42 ans de journalisme en France, je n’ai jamais vu un Premier ministre humilié en public par un président de la république comme cela s’est passé hier, mercredi 23 septembre 2020, entre le président Kaïs Saïed et le chef de gouvernement Hichem Mechichi. Pourtant, les relations entre l’Elysée et Matignon étaient souvent peu cordiales, empreintes de suspicion réciproque voire heurtées.
Par Helal Jelali *
L’ancien président François Mitterrand a bien nommé et travaillé avec 3 Premiers ministres qui étaient ses adversaires les plus acharnés : Jacques Chirac de 1986 à 1988, la première cohabitation du socialiste avec un gaulliste, ensuite, son rival historique au sein du Parti Socialiste, Michel Rocard de 1988 à 1990, et enfin Édouard Balladur, encore un gaulliste de 1993 à 1995… La bienséance et le gentleman agreement font aussi partie du prestige présidentiel. L’autorité ne se déclame pas…
Mitterrand avait des silences «autoritaires» confiait un jour un de ses conseillers… Spécialiste des phrases concises et précises, il passait ses messages avec une froideur glaçante…
De Gaulle, ancien officier, mais très imbu d’histoire, préférait les métaphores, et les formules bien tournées… mais jamais en public, quand les dossiers politiques étaient «lourds»…
L’adresse de Saied, hier soir, à Mechichi a beaucoup affaibli ce dernier devant ses amis et ses adversaires… Aujourd’hui, ces derniers le considèrent comme un homme seul, pour ne pas dire perdu… À moins d’accepter son sort, celui d’un simple collaborateur du chef de l’État ou d’un haut fonctionnaire rattaché à la présidence de la république… Ce qu’on ne lui souhaite pas.
Mais dans ce cas, sa relation avec Saied n’est plus politique, mais administrative. Et c’est le chef de l’État qui cumulerait les deux fonctions de président et de Premier ministre… Ce que la Constitution de 2014 et le système politique bâtard auquel elle a donné naissance ont paradoxalement permis. Paradoxalement, car cette Constitution était censée limiter les prérogatives présidentielles et empêcher le retour d’un système présidentialiste propice aux dérives autoritaires, comme on en a connu sous les règnes successifs de Bourguiba et Ben Ali.
* Ancien journaliste à Paris à la retraite.
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