La défense du prophète Mohamed n’est qu’une vieille ruse utilisée par l’islamisme pour accroître sa propre audience électorale, dont on laisse au besoin la responsabilité à autrui, l’important étant qu’on en parle et qu’on en fasse grand bruit, quitte pour certains, habitués à des discours ne prêtant à aucune équivoque, à verser des larmes de crocodiles sur un acte horrible «dont nul ne tirera bénéfice», comme celui de la décapitation en pleine rue d’un enseignant.
Par Mounir Hanablia *
L’enseignant français Samuel Paty de Conflans-Sainte-Honorine avait été décapité dans la rue par un jeune d’origine tchétchène qui après s’en être glorifié sur les réseaux sociaux a été abattu par la police dans des circonstances non encore complètement éclaircies.
Tout ceci se rapporte bien évidemment à Charlie Hebdo et aux attentats de 2015, ceux des frères Kouachi, et d’Amedy Coulibaly à l’hypermarché Kacher. C’est que le procès des terroristes du journal satirique devrait connaître son dénouement début novembre prochain.
Au-delà des péripéties macabres de l’exécution de l’enseignant français il y a effectivement toute une problématique de la place de la communauté musulmane et de l’immigration dans la société française qui explose de nouveau dans le débat public, après les propos polémiques du président Macron il y a quelques jours se rapportant au «séparatisme» musulmane.
Une succession de faits dramatiques
Cet acte odieux n’est pas arrivé comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Il a été précédé d’une succession de faits dramatiques, demandant l’exclusion de l’enseignant par des parents d’élèves, qui lui reprochaient d’avoir utilisé les caricatures jugées obscènes publiées par Charlie Hebdo en 2015, ayant servi de justificatif aux attaques terroristes de l’époque ainsi que la toute récente lors de sa commémoration, à l’ouverture du procès.
Cet enchaînement de causalités a conduit à une plainte déposée contre l’enseignant auprès de la Justice, qui a lui-même engagé des poursuites contre ses accusateurs. Fait essentiel : les réseaux sociaux ont une fois encore servi d’espace de mobilisation communautaire, et cette affaire qui au départ aurait dû rester confinée aux limites du lycée ou du tribunal a ainsi acquis une dimension politique, celle opposant une communauté s’estimant mal aimée, méprisée, confinée aux marges de la République et au bas de l’échelle sociale, à une autre, se jugeant menacée d’anéantissement, à travers ses valeurs laïques, par une invasion étrangère.
Quels rôles les réseaux sociaux occupent-ils dans la montée du populisme et du terrorisme, dans le recul de la culture démocratique, et dans le transfert et l’exacerbation des sentiments passionnels individuels ou collectifs à travers le monde? Il est difficile d’y répondre. Et il est encore plus ardu de savoir pourquoi un instrument aussi sophistiqué que facebook dont on a vu de quelle manière il avait été utilisé par Fancy Bear et Cosy Bear pour influencer l’électorat américain en faveur de Donald Trump, qui arrive à typer les préoccupations, les goûts et les comportements liés à la consommation de chacun de ses utilisateurs habituels, ne puisse pas détecter tous ceux qui l’utilisent dans l’intention de commettre un acte terroriste.
Une exécution, en pleine rue, dans le style Daech
Pour en revenir à l’assassinat de l’enseignant, cet engrenage n’aurait à priori rien eu qui le justifiât. La victime n’avait pas dérogé au programme qui lui était assigné, ni aux moyens reconnus pour l’enseigner. Elle avait demandé à ceux qui s’en estimeraient offensés de ne pas regarder les caricatures, et même de quitter le cours. La fille de l’un des plaignants principaux n’était pas présente lors du cours. On a même évoqué, parmi les élèves issus des familles incriminées, un renvoi du lycée, mais pour d’autres raisons, selon l’administration de l’établissement. Et on peut donc deviner, comme souvent, qu’aux motifs désintéressés et altruistes dont on faisait largement étalage sur les réseaux sociaux, s’y opposaient d’autres beaucoup moins avouables, liés à des conflits personnalisés avec les enseignants, ou bien politiques, définis par l’islamisme en France. Mais l’imprévu qui, dans le contexte actuel, ne relève malheureusement plus de l’improbable, si on peut qualifier cela ainsi, en avait été l’irruption de l’assassin venu identifier sa victime en s’en enquérant auprès de l’assistance présente devant le lycée, puis en l’exécutant, dans la rue, de cette manière rappelant le style Daech, après se l’être faîte désigner.
Nul n’ignore le martyre du peuple tchétchène durant la deuxième guerre de Tchétchénie et toutes les horreurs de l’occupation russe que la journaliste russe assassinée Maya Politkovskaïa avait révélées au monde. Le terroriste et sa famille avaient probablement dû à ces circonstances d’être accueillis en France, pour des raisons humanitaires. Mais une fois encore, alors que des personnes issues de l’immigration se rendent coupables de terrorisme, c’est toute la politique d’accueil de l’Etat qui se retrouve remise en cause, et plus encore, c’est la présence de personnes d’origines étrangères et ayant acquis la citoyenneté française qui pose désormais problème et qui risque de devenir en enjeu politique de poids lors des prochaine campagnes électorales. Or en Europe, dans des pays comme le Danemark, la Suède, et même l’Allemagne, il se pose déjà, consécutivement à des faits divers défrayant régulièrement la chronique, quand il ne s’agit pas d’actes de terrorisme, que la presse, relayée par la vox populi, attribue à tort ou à raison, à des immigrés musulmans, alimentant ainsi le discours populiste xénophobe.
Il faut dire, cependant, que d’une manière générale, ce sont souvent les immigrés qui, venant des pays pauvres, suscitent l’hostilité chez une frange de la population, indépendamment de leurs croyances religieuses, parce que tout simplement, au préjugé culturel associant le sous-développement s’ajoute celui de la différence physique. Et évidemment ces préjugés là épargnent en Europe et généralement aux Etats-Unis les ressortissants de pays comme la Chine, ou l’Inde, considérés comme issus de grandes civilisations, et devenus désormais de grandes puissances. Ce sont de grandes sociétés comme Huawei qui la suscitent parfois, au niveau du gouvernement fédéral. Mais mise à part la réalité que les ressortissants de ces deux pays n’attirent généralement pas l’attention des autorités, ou de l’opinion publique, le fait est que les musulmans ne bénéficient le plus souvent pas du préjugé favorable dans les sociétés européennes, du moins quand ils ne jouissent pas de l’éducation nécessaire leur permettant à tout le moins une intégration professionnelle parfaite.
Le problème aussi c’est que les partis populistes européens ne font pas de distinction relativement à l’éducation parce qu’autrement leur argumentation anti-immigrés s’en trouverait affaiblie. Pour ces derniers , l’archétype du musulman n’est autre que l’islamiste dont, en considérant qu’il soit l’élément représentatif de sa communauté, ce qu’il est loin d’être, le discours sur le danger qu’il représente et la peur qu’il suscite est le plus rentable, électoralement parlant.
Il n’est en Europe et aux Etats-Unis pas bien difficile de reprendre les vieux clichés issus de l’Eglise du Moyen Age, et des Croisades, à l’encontre des Sarrasins, les Sharqiyyins, il existe à cet effet un argumentaire aussi abondant qu’inaltérable.
De la même manière, l’antisémitisme moderne plonge ses racines dans la vision déicide issue de l’Eglise du Moyen Age, dont l’ensemble de la communauté juive doive assumer les conséquences. C’est donc avec une relative facilité qu’on arrive à convaincre une opinion publique échaudée qu’en réalité, des actes aussi monstrueux ne sont que les prolongements des commandements issus du livre sacré, le Coran. C’est même un objectif essentiel des terroristes. Et on a beau jeu d’invoquer pour cela le verset n° 29 de la sourate Ettawba (La rédemption) disant textuellement ceci : «Combattez parmi les gens du livre ceux qui ne croient pas en Dieu, son Prophète, le jour du Jugement, qui refusent de se plier à la Loi de Dieu, jusqu’à ce qu’ils paient la jizya (capitation) avec humilité». On oublie évidemment de citer le verset n° 46 de la sourate El Ankabout (L’Araignée) : «Ne polémiquez avec les gens du Livre qu’en usant de sagesse et du bon argument sauf ceux qui parmi eux ont été injustes, et dites: nous croyons en ce qui a été envoyé à nous et à vous, notre Dieu et le vôtre ne sont qu’un, et nous nous abandonnons à lui». Ou bien ce verset 56 issu de la sourate El Ma’ida (La Table) : «Ô vous qui avez cru, ne prenez pas comme tuteurs ceux qui ont considéré votre religion comme dérision et jeu, parmi ceux qui ont reçu le Livre avant vous ou les incrédules, et craignez Dieu si vous êtes croyants».
C’est à l’Etat français de veiller, en France, au respect des normes islamiques qui lui siéent
Il apparaît ainsi au vu de ces versets et d’autres nombreux qu’il n’y a pas d’attitude univoque du Coran face au doute, à la dérision, à l’incroyance, ou à la négation du message islamique. C’est évidemment au bon sens qu’il faut avant tout se référer, pour faire le choix correct, mais cela ne suffit pas. La communauté musulmane se signale en effet avant tout par son hétérogénéité liée à ses origines diverses, et sa subordination aux intérêts de pays étrangers. Malgré cela, la campagne déclenchée par un journal ne doit évidemment pas susciter auprès des fidèles les mêmes réactions qu’une invasion armée, et une lecture correcte de quelques versets du Coran devrait suffire à le rappeler. Mais l’islam étant une religion où il n’y a pas de séparation entre le spirituel et le temporel, et comme il n’y existe pas d’autorité représentative légitime en l’absence du califat, c’est à l’Etat français de veiller au respect des normes islamiques qui lui siéent, au détriment de toutes les autres, comme cela se passe dans tous les pays musulmans. Et tant qu’il assure le libre accès des fidèles au culte, et son libre exercice, ceux-ci n’ont d’autre choix qu’obéir.
Evidemment cela suppose une entorse à la laïcité, mais la nécessité doit prévaloir. L’attitude de rechercher des interlocuteurs musulmans à cet Etat français laïc au sein de la mosquée qui représenteraient et géreraient l’islam est donc de prime abord fausse; on en voit aujourd’hui les conséquences, et elles sont funestes.
L’amalgame entre la terreur et la religion est désormais bien établie
Le communautarisme, ou plutôt l’antagonisme communautaire, menace l’unité de la nation française. Mais paradoxalement l’assassinat de l’enseignant français a eu des répercussions jusque dans le pays où le Printemps Arabe est réputé avoir réussi en abattant un régime politique tyrannique, au profit d’une démocratie libérale, la Tunisie. L’Etat tunisien a certes condamné cet acte odieux. Mais après les réactions de certains députés et d’une frange de l’opinion publique en Tunisie, refusant à tout le moins de le faire, et de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux, l’approuvant, et accusant ceux qui condamnaient d’être des suppôts du colonialisme français, l’amalgame entre la terreur et la religion est désormais bien établie. Ce dont il est désormais question, et plus que jamais, c’est de savoir, comme on l’a déjà écrit, si les lois anti-terroristes sont ou non respectées dans le pays, et en premier lieu par l’institution qui est chargée de veiller à en imposer le respect, le Parquet judiciaire.
On n’ignore pas que depuis le début, depuis 2011, l’opinion publique soit travaillée au corps par la mouvance islamiste, dont la présence parlementaire incontournable assure le terreau politique nécessaire grâce auquel les radios et les chaînes télévisées fonctionnant souvent dans l’illégalité diffusent à longueur de journée un message basé sur une lecture littéraliste du Coran et de la Chariaa ainsi que les normes supposées en être issues.
Malgré l’existence d’une législation anti-terroriste dure, les condamnations pour terrorisme sont rares et les personnes arrêtées sont souvent immédiatement relaxées par la justice. Seules celles qui sont prises les armes à la main ou en opération sont condamnées, quand elles n’ont pas été préalablement abattues par les forces de l’ordre.
C’est ainsi que le directeur d’une école coranique de Regueb, surnommée l’école de Daech, arrêté en 2018, a été relaxé sur certains chefs d’inculpation mais cela a fourni l’occasion à la mouvance populiste islamiste de susciter une attaque en règle contre la presse audiovisuelle à travers un journaliste, accusé d’avoir monté de toutes pièces une affaire qui n’existait pas, par hostilité pour la l’islam et le Coran.
Il est vrai que cette accusation s’insérait dans une campagne pour supprimer l’autorité chargée du contrôle de l’audiovisuel et de l’information, afin de satisfaire les désirs de l’allié du moment des islamistes, Nabil Karoui, propriétaire de la chaîne télévisée Nessma et partenaire de Silvio Berlusconi. Une telle accusation, formulée par un député (Seifeddine Makhlouf, Ndlr), avocat réputé défendre les accusés dans des affaires de terrorisme, revenait à désigner ce journaliste comme une cible potentielle d’une attaque jihadiste, mais le parquet n’a pas voulu se pencher sur le sujet malgré la gravité des faits, pas plus qu’il ne l’avait fait quand ce député avait accusé de but en blanc des réseaux de renseignement d’avoir commandité une attaque mortelle à la voiture bélier contre trois gardes nationaux à Akouda près de Sousse.
Cependant une information judiciaire pour apologie du terrorisme a été ouverte contre un député (Rached Khiari, Ndlr) affirmant que la défense du prophète Mohamed devait primer sur toute autre considération et que ceux qui s’y attaquaient devaient assumer les conséquences de leurs actes. Ceci paraît plus comme une mesure chargée de désamorcer le légitime courroux français contre ces commentaires, mesure dont on peut douter, au vu du précédent de l’affaire de l’ambassade américaine, qu’elle aboutisse à des condamnations sérieuses.
En réalité, la défense du prophète Mohamed n’est qu’une vieille ruse utilisée par l’islamisme pour accroître sa propre audience électorale, dont on laisse au besoin la responsabilité à autrui, l’important étant qu’on en parle et qu’on en fasse grand bruit, quitte pour certains, habitués à des discours ne prêtant à aucune équivoque, à verser des larmes de crocodiles sur un acte horrible «dont nul ne tirera bénéfice».
Quant au gouvernement Hichem Mechichi, il ne va certes pas risquer de mécontenter les mêmes au moment où il a besoin de leur appui pour voter la loi des finances 2021. Il est vrai que M. Mechichi avec toutes les difficultés que traverse le pays a largement de quoi s’occuper et il est douteux qu’en ce moment précis, les candidats puissent se presser au portillon pour lui succéder.
* Cardiologue, Gammarth, La Marsa.
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