Les chiens errants représentent une menace de sécurité et de santé pour le citoyen. Il semble que les effectifs des chiens errants ont sensiblement augmenté ces dernières années en Tunisie. De nos jours, avec l’instauration du couvre feu, le problème est encore plus grave. Le soir, les rues sont désertes et les chiens errants peuvent se rassembler et se déplacer à leur aise.
Pr Ridha Bergaoui *
Pour lutter contre les chiens errants, les municipalités ont recours essentiellement à l’abattage au fusil de chasse. Cette solution ne cesse d’indigner les gens et porter atteinte à l’image du pays à l’étranger. Après plus de 50 ans, cette pratique se révèle inefficace et les effectifs des chiens errants ne cessent de croître. Les animaux abattus laissent la place à de nouveaux arrivants qui viennent occuper le territoire laissé vacant.
Pour résoudre correctement le problème, il est nécessaire de s’attaquer à ses origines. Deux raisons peuvent expliquer le phénomène des chiens errants. D’une part la mentalité des gens et d’autre part l’accumulation des ordures ménagères.
La religion n’a rien à avoir avec la détestation des chiens
Malgré la fidélité légendaire du chien, de nombreux propriétaires n’hésitent pas à abandonner leur animal de compagnie à la moindre difficulté (déménagement, conflit avec les voisins, difficultés financières …).
Par ailleurs, beaucoup de nos compatriotes pensent encore que notre religion considère que le chien est un animal sale et impur. Cette théorie a été démentie à plusieurs reprises par de nombreux cheikhs malékites. Il s’agit d’une mauvaise interprétation du hadith et l’islam a toujours appelé à bien traiter les animaux. Enfin, les chiens ne transmettent pas plus de zoonosesque que les chats qui sont mieux appréciés et acceptés.
En ville, l’accumulation des ordures et des déchets ménagers encourage les chiens errants à roder autour des poubelles pour se nourrir, s’accoupler et former des meutes parfois dangereuses.
L’abondance de la nourriture favorise la reproduction et la multiplication des animaux surtout que la chienne est de nature très prolifique.
Les éléments d’une gestion efficace des chiens errants
Pour être efficace, toute stratégie de lutte contre les chiens errants doit inclure nécessairement ces deux aspects importants qui sont la mentalité des gens et la gestion des ordures. Elle nécessite au préalable l’évaluation de l’importance de la population des chiens errants et sa répartition spatiale et régionale.
Elle doit comprendre les éléments suivants :
- sensibilisation et éducation des habitants au bien être animal et leurs devoirs face aux animaux qu’ils détiennent;
- des textes législatifs organisant la détention des chiens et la répression de la maltraitance animale;
- le ramassage, la stérilisation des chiens et leur libération. Cette opération doit s’accompagner de l’identification des animaux, une remise en état et des soins vétérinaires y compris un traitement contre les parasites;
- une bonne gestion des ordures ménagères (dépôt, ramassage et usage de contenants appropriés).
Il faut également réglementer l’élevage des chiens destinés à la vente et surveiller les chenils ainsi que les marchés hebdomadaires comme celui de Moncef Bey à Tunis.
Cette stratégie, qui doit être mise en place par les municipalités, nécessite des fonds. Il est possible de faire appel à des collectes, des dons, du bénévolat et pourquoi pas imposer une contribution spéciale aux propriétaires des chiens ainsi qu’aux cafés et commerces qui envahissent les trottoirs et la chaussée.
Sensibilisation du citoyen à la cause des animaux
Il est important de faire participer les docteurs vétérinaires de la localité. Les municipalités peuvent envisager de leur accorder un mandat sanitaire pour le contrôle des populations des chiens errants comme le fait le ministère de l’Agriculture avec les vétérinaires chargés de suivre et contrôler les animaux d’élevage.
Tuer aveuglement les chiens errants n’a pas de sens. La lutte contre ce fléau est la responsabilité de nous tous : citoyen, municipalités, associations et société civile. Une stratégie efficace doit s’appuyer sur la sensibilisation du citoyen à la cause des animaux, le responsabiliser et l’appeler à leur éviter toute souffrance. Ce n’est pas le chien qui pose problème, c’est plutôt l’homme, par sa mentalité et son mauvais comportement, qui est responsable de la présente situation.
* Professeur universitaire.
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