Alors que les campagnes de vaccination contre la Covid-19 ont commencé dans beaucoup de pays, y compris au sud de la Méditerranée, les Tunisiens ne savent encore presque rien sur leur stratégie nationale de vaccination, si stratégie tant est que cette stratégie existe. Entre cachotterie, laisser-aller et improvisation, cette absence de transparence a de quoi irriter, au moment où la problématique de la vaccination suscite des débats dans le monde entier.
Par Dr Kaissar Sassi *
Entre Pfizer/BioNtech, Moderna et AstraZeneca, la concurrence atteint son apogée pour dominer le marché mondial du vaccin tant attendu. Certes, il s’agit d’une bataille loyale réglementée par les impératifs scientifiques, mais on n’a pas besoin d’être un politologue pour déchiffrer les proportions diplomatiques de ce nouveau marché. Il y a même des rumeurs qui évoquent la naissance d’un passeport sanitaire avec obligation vaccinale pour se déplacer entre les pays.
Dans le marathon des vaccins
Dans ce contexte, la quasi majorité des pays européens avaient pris l’initiative et cette éventualité a été rapidement infirmée par leurs autorités. «Je veux être clair je ne rendrai pas la vaccination obligatoire», a déclaré récemment Emmanuel Macron, président de la France où la Haute autorité de la santé donna son feu vert au vaccin Pfizer/BioNtech.
À l’ombre de ces projets très prometteurs, la Chine semble garder ses chances dans ce marathon. Le vaccin contre le coronavirus CoronaVac, élaboré par le laboratoire chinois Sinovac, a «atteint le seuil d’efficacité» exigé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), selon l’Institut Butantan, chargé de sa production et distribution au Brésil.
Néanmoins, et partout dans le monde, hommes et femmes ont dévoilé leur scepticisme à l’égard de ce «vaccin chinois». Je comprends bien que l’étiquette «Made in China» suscite toujours une crainte, que dire quand il s’agit d’un médicament.
Cependant, il faut sortir à la lumière deux notions très importantes.
Premièrement, la Chine est première mondiale dans la recherche scientifique par ses milliers de publications de grande envergure et haute qualité, notamment dans le domaine médical. Deuxièmement, le laboratoire Sinovac avait devancé ses concurrents en 2009 en devenant le premier à mettre sur le marché mondial un vaccin contre la grippe porcine.
C’est pour vous dire qu’il s’agit d’une boîte pharmaceutique haut de gamme à l’échelle internationale, et ce depuis une dizaine d’années. Outre la Chine, le Maroc, l’Egypte, les Emirats, le Brésil et plusieurs pays de l’Amérique du sud et de l’Asie ont déjà commandé des millions des doses du CoronaVac. Nos amis Marocains ont commandé 10 millions de doses ce mois de décembre pour entamer leur compagne vaccinale.
Beaucoup de flou et d’impréparation
Après analyse de ces données, la première question qui me vient à l’esprit : pourquoi la Tunisie n’évoque même la possibilité d’utiliser ce vaccin chinois !? Récemment nous avons appris la bonne nouvelle que Pfizer/BioNtech répondra à notre besoin en vaccin. Mais la confusion règne sur les échéances de cette réponse. On parle de deux millions de doses, peut-être à partir de mars, selon Hechmi Louzir, directeur général e l’Institut Pasteur de Tunis, 6 millions de doses le deuxième semestre de 2021, selon Mehdi Faouzi, le ministre de la Santé. À savoir que le représentant même de Pfizer en Tunisie, Walid Lakhdar, a expliqué à cet égard que le vaccin sera importé en Tunisie «le plus tôt possible», sans plus de précisions sur une date. Et jusque-là, nous n’avons même pas entamé la mise en place de la logistique nécessaire du transport de ce vaccin et du respect de sa chaîne du froid. Une tâche compliquée à mettre en œuvre et qui nécessite des préparatifs à l’avance.
De là, émane ma deuxième question : est-ce qu’il y a une stratégie officielle pour vacciner les citoyens tunisiens ou sommes-nous toujours dans une phase d’improvisation !?
Réellement et jusqu’à cet instant, nous ignorons cette stratégie. Il n’y a que des informations éparpillées au compte-gouttes, contradictoires dans la majorité des cas, sans vrai plan écrit noir sur blanc.
Je pense que le moment est venu pour dévoiler cette stratégie aux citoyens en toute transparence. Il ne s’agit pas d’un secret d’Etat pour en débattre à huis clos dans les couloirs des ministères. Il est temps que tout citoyen tunisien ait un accès libre à la stratégie nationale prévue pour la vaccination de la population avec des échéances et des chiffres bien précis.
* Anesthésiste réanimateur.
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