Rached Ghannouchi est peut-être, à en croire l’hebdomadaire ‘‘Al-Anwar’’, l’un des hommes les plus riches en Tunisie, mais le pauvre homme, au crépuscule de sa vie (il a 79 ans), a de bonnes raisons d’être triste, car, en réalité, s’il a amassé beaucoup d’argent (et il va falloir que la justice en détermine le montant exact, puisque l’affaire est désormais entre les mains des juges), le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a lamentablement raté le grand projet de sa vie : instaurer une république islamique en Tunisie.
Par Fathi B’Chir *
Par équité et pour embrasser tout le champ politique, mes pensées ce matin vont à ce pauvre Rached Ghannouchi. Il s’était promis un destin à la tête d’un mouvement de «re-islamisation» d’un pays qu’il a toujours considéré comme païen et perverti par la modernité. Œuvre de re-civilisation.
Un homme de bien qui a ruiné son pays et son parti
Destin en passe de mériter le qualificatif de tragique. Il a fini par ruiner un parti, lequel, dans l’ordre des choses, pouvait légitimement concourir parmi l’ensemble des autres partis, mais qu’il a transformé en machine redoutable de dérèglement, d’appauvrissement, et de destruction. De premier parti du pays il se retrouve presque occupant d’un strapontin; il ne peut plus se maintenir que par les manœuvres et par la concussion.
Il avait pour intention d’investir l’État; il a fini par le briser et le vider de tout contenu. Promis au bradage au profit de l’étranger
Pire encore, il finit presque par ruiner sa propre réputation personnelle, pour aboutir au statut peu enviable d’homme le plus détesté du pays. Seule une poignée de députés intéressés, probablement achetés, semble encore le tolérer. Infamante proximité.
Le président du parti islamiste Ennahdha, filiale de l’Organisation internationale des Frères musulmans, a fini par focaliser sur sa propre personne la masse de ressentiments d’une population frustrée par les effets d’une crise générale qu’il a lui-même et ses affidés, méthodiquement et patiemment installée.
Triste destin pour un homme destiné aux égouts de l’histoire
Mes pensées vont donc charitablement, ce matin, au pauvre homme qui s’était promis le paradis qui se retrouve déjà le pied en enfer. Prions, laïquement, pour le salut, autant que possible, de son âme et de son esprit.
Rage au cœur à l’encontre de ce pays mécréant au peuple impie, il se voit bousculer par une passionaria (Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, Ndlr) acharnée au rejet d’un tel homme de bien que Ghannouchi s’est rêvé être. Pis, elle lui a ravi progressivement le titre de leader de la première formation du pays au détriment du sien.
Triste destin pour un homme qui a tout raté. Une simple pensée charitable. Où finira-t-il ? Dans les égouts de l’histoire. En la triste compagnie de Moncef Marzouki, président raté. Regrettable. Il a forgé son propre destin.
* Journaliste tunisien basé à Bruxelles.
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