En Tunisie, l’Etat, dont les finances publiques étaient déjà très mal en point avant la pandémie de coronavirus (Covid-19), a du mal à renflouer ses caisses et même à boucler sont budget pour l’année en cours, sans recourir à l’endettement extérieur. C’est la même situation à laquelle font face, mais à des degrés divers, tous les Etats du monde, et qui requiert des réponses courageuses et nouvelles.
Par Amine Ben Gamra *
L’épidémie de coronavirus (Covid-19) a déjà apporté son lot de souffrances humaines et de perturbations économiques majeures partout dans le monde, et la Tunisie n’échappe pas au tsunami aussi bien sanitaire qu’économique.
Au niveau des administrations fiscales, le recouvrement fiscal est en baisse. Les gouvernements ont annulé ou reporté certains prélèvements fiscaux dans le but de soutenir les économies et de maintenir la solvabilité des entreprises. L’employabilité, le commerce et les bénéfices étant en baisse, les possibilités de percevoir l’impôt sur le revenu et les bénéfices, la TVA et les droits d’accise et d’importation diminuent également. Au moins pour les deux prochaines années, de nombreux gouvernements dépenseront beaucoup plus qu’ils ne l’avaient prévu, et collecteront moins de recettes. La plupart de ces gouvernements accumulent des dettes dont les montants rappellent ceux de la période des grandes guerres.
Quels devraient alors être les éléments clés d’une riposte ?
Ces gouvernements auront du mal à réduire leurs déficits en diminuant les dépenses publiques. Les entreprises, quant à elles, auront toujours besoin de soutien et de garanties financières, et le chômage restera probablement élevé. Des dépenses sociales supplémentaires seront donc nécessaires pour faire face à la crise.
Ainsi, la pandémie aura réussi, de toute évidence, à entraîner une augmentation importante, bien que souvent insuffisante, de l’aide financière directe aux pauvres et aux personnes vulnérables. Une réduction de ces aides dans un avenir proche sera moralement inacceptable et politiquement très difficile.
Premièrement, il faudra taxer la fortune : là où les revenus des particuliers et des entreprises fortunés sont restés inchangés — ou ont subi une augmentation — en raison de la crise, il faudra ajouter des surtaxes temporaires à leurs impôts. Le FMI et l’OCDE ont approuvé ces idées, que le FMI qualifie de «surtaxes de solidarité». Elles reflètent une logique politique simple : face à une crise mondiale, nous devrions tous en partager les frais.
Deuxièmement, la crise a accéléré le passage des interactions en face à face aux interactions virtuelles. Ceci augmentera encore les bénéfices de la plupart des grandes plateformes technologiques (principalement américaines et chinoises) qui tirent profit de solides effets de réseau. Avant la crise, ces plateformes étaient connues pour leur capacité à éviter les taxes. Aujourd’hui, il s’avère plus important de trouver de meilleurs moyens de les taxer — et de taxer les transactions numériques en général.
Troisièmement, il faudra renforcer les taxes pour lutter contre le changement climatique. Il est grand temps d’imposer de sérieuses taxes sur les émissions de carbone et autres polluants nuisibles. Et ces taxes peuvent être directement créées pour générer de nouvelles recettes pour les gouvernements tout en minimisant les coûts pour les ménages ou les entreprises plus vulnérables, grâce à des rabais ou d’autres aides. La Covid-19 nous a permis d’entrevoir un ciel moins pollué, et il serait impardonnable de manquer cette opportunité.
Sortir des sentiers battus et bousculer les habitudes
Ce sont là des pistes à explorer et des idées à mettre en œuvre et dont la transformation en mesures concrètes nécessitent du courage politique, mais aussi une forte réactivité de la part des gouvernements, qui, généralement, hésitent à sortir des sentiers battus ou font souvent face aux résistances des lobbys d’intérêt et rechignent à les bousculer.
C’est le cas notamment en Tunisie où l’Etat, dont les finances publiques étaient déjà très mal en point avant la pandémie, a du mal à renflouer ses caisses et même à boucler sont budget pour l’année en cours, sans recourir à l’endettement extérieur. Or, le taux élevé d’endettement de l’Etat, qui approche dangereusement du plafond des 100% du PIB, recommande de recourir à d’autres solutions qu’une sortie hasardeuse sur le marché financier international, qui plus est, avec une très mauvaise notation souveraine : B3, avec perspectives négatives, qui ferait monter les taux d’intérêt à 8% voire à 10%.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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