Suite d’une part aux changements climatiques et d’autre part à une utilisation abusive des ressources, la Tunisie fait face à de nombreuses menaces et défis environnementaux, causés par l’agriculture, l’industrie et le comportement inconscient et irresponsable du citoyen, son ignorance et son manque de civisme, qui contribuent à la détérioration de la qualité de vie. C’est dans ce contexte défavorable qu’elle célébrera après-demain, jeudi 22 avril 2021, la fête mondiale de la terre.
Par Ridha Bergaoui *
La terre est source de vie, de nourriture et de richesses. La détérioration de l’environnement et la pollution ont une incidence sur les disponibilités alimentaires, la santé des citoyens et l’apparition de nombreuses pathologies graves. La pandémie de la Covid-19 est, selon certains spécialistes, l’une des conséquences de nos négligences et des dommages causés à la planète.
La journée mondiale de la terre
L’homme a longtemps exploité intensément la terre pour ses divers besoins (agriculture, industrie, construction…). Cette exploitation excessive a entraîné, dans de nombreux cas, la destruction de plusieurs écosystèmes, jadis en parfaite harmonie avec la nature, la pollution de l’environnement (air, eau, océans et sol) et l’apparition de désastres environnementaux (trou d’ozone, réchauffement climatique…). Il a également surexploité les ressources et a inventé le plastique et les pesticides qui se sont révélés de véritables et puissants outils de destruction de la faune et la flore et facteur de la détérioration de la santé de l’homme.
C’est en 2009 que l’assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution instituant la journée du 22 avril de chaque année, journée mondiale de la terre nourricière. L’instauration d’une telle journée mondiale se justifie par la nécessité et l’importance de la protection de notre planète terre des dommages et menaces environnementaux résultant des activités abusives et du comportement parfois irrationnel de l’homme. C’est également une occasion pour sensibiliser et motiver les citoyens à réagir pour le bien de la planète et de l’environnement.
Le thème retenu pour 2021 est «restaurer notre terre». L’Onu appelle ainsi tous les gouvernements et les organisations à œuvrer non seulement pour la protection mais pour la restauration des écosystèmes, des sols, des milieux aquatiques et débarrasser les océans du plastique.
Une situation nationale catastrophique
Suite d’une part aux changements climatiques et d’autre part à une utilisation abusive des ressources, la Tunisie fait face à de nombreuses menaces et défis environnementaux. L’agriculture est malheureusement le principal agent de destruction de la nature. L’industrie a également une part importante de responsabilité dans la dégradation de la qualité de l’environnement. Le comportement inconscient et irresponsable du citoyen, son ignorance et son manque de civisme contribuent à la détérioration de la qualité de vie.
La liste des menaces environnementales est longue et les problématiques complexes et graves. Sans être exhaustif, ci-dessous quelques problèmes auxquels notre pays est exposé :
- des disponibilités en eau de plus en plus rares et mal gérées;
- un usage de pesticides, d’engrais synthétiques et de produits chimiques abusif et anarchique – les emballages vides jetés dans la nature représentent un réel danger de pollution –;
- une salinisation, une désertification et une érosion continues des sols accompagnées de l’envahissement des villes et la réduction des surfaces réservées à l’agriculture;
- l’introduction et l’utilisation de variétés végétales hybrides importées et abandon et perte du patrimoine génétique local moins performant mais plus résistant;
- l’intensification des élevages bovin, avicole et cunicole et disparition de races locales;
- l’omniprésence du plastique et l’usage abusif de cet emballage, très difficilement dégradable, avec de graves méfaits sur l’environnement et les écosystèmes;
- la surpêche et l’épuisement des stocks de poissons et autres organismes marins;
- l’exploitation abusive et sauvage des forêts avec abattage illégal d’arbres parfois centenaires;
- la multiplication des incendies criminels des forêts et des récoltes devenues fréquentes en été;
- l’accumulation des déchets ménagers, la multiplication des décharges sauvages avec parfois incinération des ordures et la saturation des quelques décharges contrôlées – certains, ont osé même planifier importer des ordures dangereuses d’Italie pour les enterrer dans des décharges locales –;
- la libération dans les oueds et les cours d’eau et des barrages de déchets divers, de polluants industriels et des eaux usées;
- la pollution toxique de l’air par les industries chimiques;
- de la construction anarchique, de l’appropriation de l’espace public (trottoirs, espaces verts, le littoral, la forêt…), des ordures jetées partout;
- importantes pertes, gaspillages et destruction de produits alimentaires (pain, lait, fruits…).
Des causes multiples contribuent au massacre de notre environnement
L’absence de volonté politique, de stratégie nationale, de moyens financiers sont autant d’entraves à l’amélioration des conditions environnantes. L’instabilité politique et la faiblesse de l’Etat sont des freins à la mise en place des réformes. La corruption, devenue un sérieux fléau généralisé et banalisé, a touché presque toutes les activités administratives et économiques.
Depuis 2011, le Tunisien est devenu un citoyen rebelle qui rejette l’autorité et privilégie son intérêt avant tout autre. La mauvaise considération qu’il voue à la classe politique et l’absence de confiance dans les autorités politique et administrative, renforce chez nos citoyens les sentiments d’impunité, d’égoïsme, d’insouciance et de laisser-aller. Ces sentiments ouvrent la porte au banditisme, au vandalisme, à la destruction des biens publics et à la détérioration de l’environnement.
La crise de la Covid-19 assortie des crises économique et sociale auxquelles le pays est confronté ne font qu’empirer la dégradation de l’environnement. L’état général de déprime de la population, le climat morose et la multiplication des mauvaises nouvelles ne motivent nullement le citoyen à être positif et optimiste. Ses priorités sont avant tout sa santé et sa survie, l’environnement est le dernier de ses soucis.
Suggestions pour faire face à un environnement dangereusement affecté
En espérant une amélioration rapide du climat sanitaire, politique et économique, il est possible de faire quelques propositions pour améliorer la situation actuelle difficile de notre environnement. Ces propositions touchent particulièrement la réduction des nuisances causées par d’une part l’activité agricole et d’autre part le comportement inconscient du citoyen.
Tout d’abord, le changement et le réchauffement climatiques sont une réalité dont il faut désormais prendre en considération dans toutes nos stratégies. Leurs conséquences risquent d’être très graves et toucher directement la production agricole et notre sécurité alimentaire. Ils peuvent menacer notre santé et notre existence. La recherche des techniques de culture, des espèces, variétés et races adaptées à la chaleur et peu exigeantes en eau est une priorité expresse.
Ci-dessous quelques suggestions jugées importantes :
- mobilisation de toutes les ressources hydriques disponibles, l’économie et l’utilisation judicieuse des disponibilités en eau;
- réglementer, surveiller étroitement l’importation, le stockage et l’utilisation des pesticides;
- éviter la monoculture intensive et privilégier une agriculture durable;
- favoriser la biodiversité, facteur d’équilibre des territoires et de notre planète;
- reconstituer les écosystèmes détruits par la surexploitation des ressources, les phénomènes climatiques extrêmes, l’activité économique et l’urbanisation à outrance;
- interdiction absolue de l’usage du plastique à usage unique, renforcement de la collecte et du recyclage du plastique, recherche et utilisation d’alternatives à l’usage des emballages plastiques.
L’application de la réglementation en vigueur et la condamnation sévère des contrevenants est une obligation du pouvoir exécutif. Il est affligeant de voir le nombre de textes réglementaires publiés dans le journal officiel et les circulaires émanant des ministères qui ne sont pas appliqués. Ces textes, qui touchent tous les domaines, sont soit mal rédigés et manquent de clarté, impossible à appliquer et nécessitent des textes complémentaires d’application soit élaborés unilatéralement sans consultation préalable des parties prenantes, mal acceptés et rejetés par les personnes concernées.
Le citoyen reste un acteur principal de la protection de l’environnement. Le Tunisien connaît bien ses droits mais oublie souvent qu’il a des devoirs envers ses concitoyens, la société et la patrie. Il est autant responsable que les autorités publiques de la protection de l’environnement.
Le citoyen doit être éco-responsable, il doit observer certaines règles :
- respecter la nature (faune et flore) et l’environnement;
- ne pas jeter ses ordures et déchets partout;
- ne pas gaspiller l’eau;
- ne pas gaspiller la nourriture;
- éviter, tant que possible, d’utiliser les sacs en plastique;
- marcher, bouger et éviter de s’accrocher à la voiture.
Ces principes élémentaires simples doivent être acquis par tout citoyen digne de ce nom. Ils doivent être enseignés dés le jeune âge dans tous les établissements scolaires et rappelés régulièrement. Les parents et les adultes doivent être un modèle et donner l’exemple pour les plus jeunes.
La sensibilisation, l’information et l’éducation restent des préalables pour motiver le citoyen à l’engagement et à l’action.
«Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots», disait Martin Luther King. Respecter l’autre et apprendre les valeurs du vivre ensemble sont nécessaires pour vivre heureux, en harmonie et en équilibre avec son environnement.
* Professeur universitaire.
Donnez votre avis