Nous célébrons aujourd’hui, jeudi 22 avril 2021, la journée mondiale de la terre. C’est une bonne occasion pour parler du rôle de l’école dans l’éducation à l’environnement et au développement durable. Pour une large part de l’opinion publique, ce dernier concept demeure flou, théorique, compris des seuls experts ou militants. Il est par ailleurs en train de devenir un concept marketing travaillé à toutes les sauces, banalisé, récupéré au risque de le vider de son contenu et des valeurs dont il est porteur.
Par Dr Salem Sahli *
Le développement durable est-il en train de devenir le dernier concept marketing en vogue ? En effet, depuis quelques années, le terme est travaillé à toutes les sauces. Il est banalisé par les uns, récupéré et détourné par les autres au risque de le vider de son contenu et des valeurs dont il est porteur. Je crains que, ce faisant, l’on oublie les catastrophes, constatées ou potentielles, écologiques et humaines qui lui ont donné naissance. D’ailleurs le développement durable n’est pas le seul à perdre ainsi son sens dans cette société «spectaculaire» et «mondialisée» où la cupidité et l’individualisme le disputent à l’indécence. La solidarité par exemple, devenue phénomène à la mode, ne sert-elle pas aujourd’hui à vendre tout et n’importe quoi? La mondialisation néo-libérale génératrice de pauvreté et de violence n’est-elle pas en train de se donner des airs de modernité en récupérant à son compte ces valeurs pour faire oublier à des consommateurs satisfaits ce sur quoi leur bien être repose ?
Le développement durable est porteur d’un modèle économique et social alternatif
Alors sommes-nous condamnés à assister impuissant à ce détournement? Faut-il jeter ces valeurs aux oubliettes? Ou n’y a-t-il pas encore quelque chose à faire, non pour sauver des concepts, mais pour faire réagir face aux problèmes écologiques et aux inégalités qui vont être pour l’humanité les défis des prochaines décennies?
Le développement durable peut certes être récupéré et mis au service du marché (où la pollution va se vendre et s’acheter en toute irresponsabilité), il n’en demeure pas moins qu’il est porteur d’un projet ou mieux encore d’un modèle économique et social alternatif qui renouvelle les relations entre les hommes, les sociétés et leur environnement. Il renoue avec les formes de sagesse humaine les plus ancestrales sans occulter bien sûr les nécessités du temps présent.
S’agissant de bien autre chose qu’un emballage recyclé, le développement durable est fondé sur des principes vieux comme le monde dont on s’étonne qu’on puisse aujourd’hui les oublier : précaution, solidarité dans le temps et dans l’espace, responsabilité, participation de tous. Autant de principes qui nécessitent un long travail de sensibilisation et d’éducation, car au-delà des mots, il s’agit de faire évoluer des mentalités et surtout des comportements.
Nécessité de sortir le développement durable des cercles des initiés
Pour mener à bien cette tâche, il me semble plus que nécessaire de sortir le développement durable des cercles des initiés. Celui-ci ne devrait pas rester l’affaire d’une élite intellectuelle ou de quelques militants infatigables. Les alliances les plus larges sont requises pour espérer modifier le cours des événements. Mais plus important encore, l’éducation à l’environnement et au développement durable devrait faire son entrée à l’école ou au moins collaborer avec elle.
Le système scolaire constitue à mon avis le cadre idéal pour éduquer les jeunes à l’environnement. En effet, l’école demeure un endroit de passage obligé qui permet d’atteindre la très grande majorité d’une classe d’âge. Les jeunes y représentent une population «captive» facile à informer dans le cadre des programmes d’enseignement. Certaines associations, pour élargir leur audience, ont mené avec les écoles quelques projets d’éducation relative à l’environnement mais ces expériences restent encore trop limitées pour autoriser une évaluation crédible. De son côté, l’institution scolaire tente, inégalement, de répondre aux demandes, mais cette immense machine est très lente à changer. Pourtant il y va de son rôle le plus fondamental : former des hommes et les préparer à devenir citoyens pleinement conscients de leurs rôles et de leurs actes.
Face aux transformations que connaissent nos sociétés, qui bouleversent nos habitudes et rendent les frontières poreuses, qui mieux que l’école avec l’aide des familles permettra à nos enfants d’échapper à une vision télévisée du monde et jettera les bases d’une nouvelle «civilité» ?
Cela peut paraître beaucoup pour une seule institution, mais cela n’est peut-être qu’une question de perspective.
* Secrétaire général de l’Association d’éducation relative à l’environnement de Hammamet (Aere).
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