Parmi les nombreuses nouvelles productions télévisées diffusées durant ce mois de Ramadan, le feuilleton « Harga » de Lassaad Oueslati, qui passe sur la chaîne nationale Al-Wataniya 1, s’est remarquablement distingué grâce à sa justesse et son engagement social dans le traitement du sujet de l’immigration clandestine.
Par Fawz Benali
Après le succès de son premier feuilleton « El Maestro » diffusé durant le Ramadan 2019, le réalisateur Lassaad Oueslati revient avec un nouveau projet télévisé qui a aussi fait forte impression, toujours dans le genre du drame social.
Une fresque sociale bouleversante
« Harga » dont le tournage avait été retardé à cause de la pandémie du Coronavirus, devait initialement être diffusé l’année dernière. Lassaad Oueslati a d’ailleurs dû modifier son scénario afin de pouvoir finir le tournage qui avait commencé entre la Tunisie et l’Italie. Le résultat final est malgré tout à la hauteur des attentes ; dès le premier épisode, le feuilleton a atteint les 100.000 spectateurs sur la plateforme de streaming Artify.
Même si le feuilleton compte de grandes têtes d’affiche comme Aïcha Ben Ahmed, Wajiha Jendoubi ou encore Mhadheb Rmili, Lassaad Oueslati a aussi et surtout misé sur un casting très jeune qui a fait ses preuves dans son premier feuilleton El Maestro, à l’instar de Malek Ben Saad, Sana Al Habib, Sadak Trabelsi …
« Harga » est une fresque sociale bouleversante qui se veut le miroir d’un pays qui va mal et d’une jeunesse à l’abandon. Si le sujet de l’immigration clandestine a maintes fois été abordé au cinéma et notamment dans le format documentaire, il a jusque-là très peu apparu sur le petit écran.
Une jeunesse à l’abandon et des rêves brisés
Sans tomber dans le misérabilisme, le réalisateur décrit une réalité amère et dépeint avec justesse et intelligence une jeunesse à bout de souffle et un pays qui n’a plus rien à offrir à ses citoyens. « La révolution de la dignité » n’a fait qu’enfoncer beaucoup de familles dans la misère. Un quotidien impitoyable et sans issue qui fait que beaucoup de jeunes comme de moins jeunes décident d’abandonner famille et patrie pour se jeter dans le large au risque de perdre la vie.
Lassaad Oueslati donne ici la voix à une jeunesse qui étouffe face au manque d’horizon et à l’instabilité politique et économique que connait le pays, et pointe du doigt l’inertie de l’Etat tunisien d’un côté et la politique italienne face au flux migratoire d’un autre côté. « Harga » nous raconte les destins croisés de personnages aux parcours différents qui se sont embarqués dans ce voyage de la mort, une mère célibataire, un adolescent qui voit ses parents avoir de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, une étudiante qui sait qu’elle finira au chômage ou encore un marionnettiste qui ne peut plus vivre de son art.
La traversée finit souvent mal, car les « harraga » périssent généralement avant d’atteindre l’autre rive de la Méditerranée. Les plus chanceux finissent parfois dans des centres d’accueil qui ressemblent à des prisons, à l’instar d’ « El Centro » où sont conduits nos personnages et où ils commencent à voir la réalité en face, car l’enfer se trouve aussi en Italie où ils sont victimes de racisme et de maltraitance, laissant derrière eux des familles désorientées et des rêves brisés.
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