En 2009, à l’occasion du centenaire de la naissance d’Aboulkacem Chebbi (1909-1934), l’Académie tunisienne-Beit Al-Hikma, a fait paraître, du grand poète national, un ouvrage bienvenu, ‘‘Safahât min kitab al-woujoud’’ (Pages du livre de l’existence). Les poèmes, qui y figurent, ont été publiés auparavant dans des journaux et autres revues. Ils ont été rassemblés dans une belle édition établie par le poète Souf Abid. Ces poèmes, sont écrits entre 1926 et 1930. Pour certains, comme le poème présenté et traduit ici, sont écrits alors que Chebbi n’a pas 17 ans.
Par Tahar Bekri
Au moment où, aujourd’hui encore, le débat sur le poème arabe en prose continue à mobiliser les auteurs et les critiques, ce n’est que rendre justice à ce jeune tunisien, vrai pionnier.
Marqués par le romantisme, ces poèmes sont les prémisses de ce qui deviendra son recueil, ‘‘Aghâni al Hayat’’ (Les chansons de la vie) qui ne paraîtra que de manière posthume, en 1955, grâce à son frère, Lamine Chebbi.
Mon cœur en pleurs cesse tes sanglots et tes complaintes !
Tes gémissements la vie ne les écoute guère
Dans sa droite il ya un sabre
Dans sa gauche une coupe de sang pleine
Mon cœur en pleurs cesse tes sanglots et tes complaintes !
Et vis satisfait de ton silence
Tournant le dos au vacarme des époques
Le bruit se consume dans les cavernes
Mais le silence avec le temps demeure
Mon cœur en pleurs
Cesse tes sanglots et des tes complaintes !
Derrière le gouffre l’abîme
Derrière l’abîme la mort
Mon cœur en pleurs cesse tes sanglots et tes complaintes !
L’abîme n’écoute point les pleurs de tes tristesses
Le gouffre ne chante que le cri de l’enfer
Quant à la mort
Elle aime le silence
Mon cœur en pleurs cesse tes sanglots et tes complaintes !
Les jours courent après les nuits
Au-delà de l’existence
Emportant les débris de la vie vers les profondeurs de l’abîme
Les vallées de la vie ne fredonnent que le bruit des puissants
Mais les échos des petits
Se perdent dans les cavernes du temps
Sois debout mon cœur devant les nuits et les jours
Silencieux comme les tristesses de la vie
Les yeux baissés comme les affres de l’obscurité
Si les tristesses de la vie avaient parlé les affres les auraient écrasées
Si les affres de l’obscurité se mettaient en mouvement
la vie les aurait emportées
Sois debout mon cœur devant les nuits et les jours
Fort comme la tempête
Téméraire comme le trépas
Point repoussé par les gardes de l’existence
Point effrayé par les profondeurs des grottes
Celui qui craint les profondeurs périt
Dans le silence des profondeurs
Celui à qui la vie en face fait peur
Ne mérite
Que l’ironie de la vie
Septembre, 1926
Traduit de l’arabe par Tahar Bekri
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