Le décès hier, samedi 15 mai 2021, de l’activiste politique Bahri Jelassi, dans des circonstances dit-on troubles et qui restent à élucider par l’enquête policière ouverte à cet effet, n’est pas un fait anodin. Car le personnage est sulfureux et a toujours nagé dans des eaux troubles, entre affairisme, islamisme, jihadisme et autres joyeusetés.
Par Imed Bahri
L’avocat du défunt, Me Mounir Baccouche, s’est empressé d’affirmer que son client était atteint du coronavirus contracté au cours d’un récent voyage en Libye (pour quoi faire ?), mais un malade de la Covid-19 n’est pas censé mourir chez lui, dans le quartier de Jaâfar, sur la route de Raouad (Ariana), et plus précisément dans sa salle de bain, après avoir pris son déjeuner avec sa famille. S’il était malade, l’homme ne manquait pas d’argent ni d’entregent pour trouver une place dans un service Covid et se donner les meilleures chances de guérir, d’autant qu’il n’est pas jeune et le risque de complications respiratoires, dans son cas, était grand.
Il n’avait pas la langue dans sa poche
Bahri Jelassi, dont la vie n’a pas été un long fleuve tranquille, n’avait pas la langue dans sa poche, et cela lui a valu beaucoup d’inimitiés. C’est là un euphémisme pour dire que beaucoup, dans son entourage et au-delà, se sentiraient sans doute plus rassurés… après sa mort. Car, bien qu’il soit bavard, Bahri Jelassi en sait sur les mouvements jihadistes, leurs alliances, leurs soutiens et leurs financements beaucoup plus qu’il n’en a dit jusqu’à sa mort. Autant dire qu’avec sa disparition, c’est une mine d’informations qui a été (très opportunément) perdue… pour la police et la justice, qui trouvaient le défunt très encombrant et n’aimaient pas beaucoup avoir affaire à lui.
Apparu sur la scène politique au lendemain de la révolution 2011, Bahri Jelassi avait fondé le Parti de l’Ouverture et de la Fidélité, de tendance islamiste radicale, dont il annonça lui-même la dissolution en 2015, après s’être présenté, sous sa bannière, aux élections présidentielles de 2014, mais sa candidature ne fut pas validée par l’Instance supérieure indépendante des élections (Isie).
À l’époque, le défunt n’avait pas encore désespéré d’un éventuel soutien d’Ennahdha et lorgnait le vote des partisans du parti islamiste, mais ce dernier avait déjà noué une alliance avec Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes, qui allaient remporter les élections et aider Ennahdha à sortir de la nasse où il s’était retrouvé au lendemain de l’assassinat des dirigeants de gauche Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, en février et juillet 2013, et de la chute du gouvernement Ali Laarayedh, en janvier 2014, sous la pression de la rue.
Des relations louches avec Ennahdha et les groupes jihadistes
Bahri Jelassi est souvent présenté comme un homme d’affaires mais ses activités sont encore plus louches que ses relations avec le mouvement islamiste Ennahdha et son président Rached Ghannouchi. Ces relations méritent d’autant plus d’être clarifiées que l’homme était cordialement détesté par l’entourage de celui qui deviendra, en 2020, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et, à la fois, redouté, probablement pour ce qu’il sait sur les accointances des mouvements islamistes et qu’il risque, lors d’une de ses tonitruantes sorties médiatiques, de porter à la connaissance du grand public, dans un esprit de vengeance. Car dans ces milieux-là, où règne l’omerta, appelée «taqiya» (dissimulation, mensonge) et tolérée au nom de la religion, on préfère vivre dans l’ambiguïté du clair-obscur, car ce qu’on craint le plus c’est… la lumière et la vérité, et plus encore la lumière de la vérité.
Si l’origine de la fortune présumée de Bahri Jelassi est inconnue, ses activités, si activités il avait, tenaient davantage de l’informel, de la contrebande et du blanchiment d’argent. Car l’homme avait des liens très louches avec les groupes jihadistes et 2 de ses filles s’étaient mariées, par un curieux «hasard», avec des dirigeants de l’organisation de l’Etat islamique ou Daêch et ont rejoint leurs époux en Syrie.
Ce sont là autant d’éléments qui, dans un pays normal où la police et la justice sont au service de la nation (et non de quelques groupes d’intérêt ou de tel ou tel parti dont on cherche la protection ou on redoute les coups de semonce), auraient donné lieu à des enquêtes sérieuses sur l’homme, et de son vivant.
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