La pandémie de Covid-19 étant sur une courbe déclinante dans la plupart des pays du Vieux continent, la reprise de l’économie européenne est annoncée pour très bientôt, alors qu’en Tunisie, où la situation sanitaire demeure encore alarmante, l’économie est pratiquement à l’arrêt et le bout du tunnel n’est pas encore en vue.
Par Amine Ben Gamra *
La reprise de l’économie européenne, qui représente les deux tiers des échanges extérieurs de la Tunisie, est annoncée pour très bientôt et le retour de la croissance sur le Vieux continent est de nature à tirer vers le haut, du moins en théorie, l’activité économique en Tunisie. Aussi notre pays doit-il se préparer à cette échéance pour être en mesure, le jour J, de répondre rapidement et efficacement à la demande européenne. Mais le fait-il vraiment ? Qu’on nous permette d’en douter. Et pour cause…
Une gestion calamiteuse de la lutte contre le Covid-19
Au cours des 24 dernières heures, la Tunisie a enregistré une centaine de décès supplémentaires par le Covid-19. Elle compte, depuis le début de la pandémie, plus de 14 000 décès pour 11,5 millions d’habitants, soit le taux de prévalence le plus haut parmi les cinq pays du Maghreb, et plus de 2 400 nouveaux cas par jour.
Un an auparavant, jour pour jour, la Tunisie ne comptait qu’un seul décès au cours des dernières 24 heures et aucun nouveau cas de contamination dépisté. En un an, le pays est donc passé d’une situation parfaitement contrôlée à une très forte vague épidémique. Sur la carte du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, la Tunisie est le seul des cinq pays du Maghreb qui s’affiche en rouge.
Que s’est-il passé entre-temps, sinon une gestion calamiteuse de la lutte contre la pandémie par un gouvernement qui semble complètement dépassé par la tâche, incompétent ou occupé à autre chose ou ayant d’autres priorités ?
Résultat : le taux d’hospitalisation dans le gouvernorat de Kairouan a atteint sa capacité maximale ces derniers jours, après avoir enregistré un taux inquiétant de 60% de tests positifs par jour. La situation est également très grave dans les gouvernorats de Siliana, Béja, Zaghouan, Kasserine. Et cela exige le plus haut degré de vigilance.
La reprise souhaitée sera-t-elle au rendez-vous avant la fin de l’année
La gestion approximative de la pandémie, tant par le pouvoir exécutif que par les autorités sanitaires, ainsi que l’indiscipline d’une population à bout de patience ont conduit à une nouvelle flambée de l’épidémie. Et les autorités sont aux prises avec un sérieux dilemme. Doit-il privilégier la relance économique ou faire respecter, fut-ce par la coercition, les exigences sanitaires ? Doit-il essayer de sauver ce qui peut encore l’être de la saison touristique au risque d’aggraver une situation sanitaire sérieuse ?
Le gouvernement a, à l’évidence, compliqué sa propre tâche par la mauvaise gestion dont il a fait preuve au cours des mois passés, et on peut craindre que la reprise souhaitée de la croissance ne soit pas au rendez-vous d’ici la fin de l’année, alors que le pays fait face à une grave crise financière, a besoin de quelque 22 à 23 milliards de dinars pour boucler son budget pour l’exercice en cours et, pire encore, ne parvient pas à mobiliser les emprunts extérieurs dont il a besoin auprès de ses bailleurs de fonds habituels, peu rassurés, il est vrai, par la situation générale dans un pays dont le taux d’endettement est passé de 35% du PIB en 2010 à près de 100% en 2020, sans tenir compte de l’endettement des entreprises publiques, dont la majorité sont déficitaires depuis plusieurs années et vivent sur les basques d’un Etat dont la trésorerie n’a jamais été aussi désastreuse.
Bref, l’économie tunisienne va continuer à souffrir de la mauvaise gestion de la crise sanitaire, situation dont le gouvernement Mechichi ne semble nullement conscient, si tant est qu’il s’en sente le principal responsable.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptable de Tunisie.
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