L’entretien virtuel entre le chef du gouvernement Hichem Mechichi et la sous-secrétaire d’Etat américaine Wendy Sherman, vendredi 25 juin 2021, ne doit pas donner à des extrapolations politiciennes. Il doit être perçu comme un signal que les États-Unis sont inquiets de la situation générale en Tunisie et qu’il est grand temps que notre pays retrouve sa quiétude et redevienne un pôle de stabilité dans la sous-région comme il l’avait toujours été au cours des soixante dernières années.
Par Raouf Chatty *
Le ministère des Affaires étrangères est le seul habilité à publier des communiqués concernant les activités officielles des hautes autorités qui ont trait aux relations internationales de l’Etat. Il est tenu de le faire pour informer l’opinion publique de la façon dont les affaires de l’Etat sont traitées au plan international. Il s’agit d’une pratique ordinaire dans un État démocratique.
À ce titre, le ministère des Affaires étrangères tunisien aurait dû publier un communiqué sur l’entretien virtuel entre le chef du gouvernement et la sous-secrétaire d’Etat américaine. Mais il ne l’a pas fait. Le Département d’État américain, quant à lui, l’a fait à travers son porte-parole. Ce dernier est resté dans les généralités rappelant l’engagement des États-Unis d’Amérique pour la transition démocratique en Tunisie, la défense de la promotion des droits de l’homme et des libertés, le soutien à la Tunisie pour répondre aux défis économiques et notamment à la pandémie du Covid 19.
Les droits de l’homme préoccupent les Américains
Le communiqué a souligné aussi la discussion entre la haute responsable américaine et la société civile en Tunisie, par le biais de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) sur la question de la femme, celle-ci intéressant le gouvernement américain au premier chef. Et l’on s’en félicite.
Le timing de cet entretien virtuel interpelle. Il intervient dans une période extrêmement difficile pour la Tunisie et où le pays est empêtré dans une crise multidimensionnelle endémique, institutionnelle, politique, économique, sociale et sanitaire, et qui menace sa stabilité et son existence.
Les sujets discutés par la haute responsable américaine avec le chef du gouvernement laissent entrevoir une inquiétude évidente du gouvernement américain au sujet de la situation générale en Tunisie.
Cette situation et beaucoup d’événements qui se sont déroulés récemment dans le pays, dont certains ont trait à des atteintes graves aux droits de l’homme, sont en effet très inquiétants pour les Tunisiens eux-mêmes, qui l’ont exprimé à travers les réactions outrées des organisations de la société civile, et prêtent à confusion…
Evitons des interprétations démesurées
L’entretien est certes extrêmement important. Mais il ne doit pas se prêter à des interprétations démesurées. Les États-Unis sont concernés bien évidemment par la stabilité de la Tunisie dans une sous-région extrêmement importante pour eux.
Cet entretien doit être perçu comme un signal que les États-Unis sont inquiets de la situation générale en Tunisie et qu’il est grand temps que le pays retrouve sa quiétude et redevienne un pôle de stabilité dans la région comme il l’avait toujours été au cours des soixante dernières années. Car la Tunisie dispose de toutes les ressources pour regagner sa place stratégique dans la sous-région, forte de ses atouts géopolitiques, du tempérament libre et ouvert de son peuple, et de la volonté de réussite qui l’a toujours animée…
Toute autre lecture que celle-ci est une extrapolation dénuée de tout fondement. Pour les États-Unis, la situation du pays dans sa totalité compte beaucoup plus que l’avenir politique de telle ou telle personnalité ou de tel ou tel parti. À nous de saisir cette évidence et d’arrêter d’extrapoler en étalant sur la scène internationale nos divisions internes et nos petites querelles partisanes…
* Ancien ambassadeur.
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