Quelques 145 000 candidats ont passé cette année l’examen du baccalauréat, toutes sections confondues. Quelque 62% sont de sexe féminin. Un pas supplémentaire très louable dans le combat de la femme tunisienne pour l’égalité des chances… Mais il y a l’autre face de la médaille, beaucoup moins reluisante, les études supérieures n’ouvrant pas forcément la porte de l’emploi pour beaucoup de nos jeunes.
Par Raouf Chatty *
Selon le ministre de l’Education, les résultats de la première session sont «bons» en comparaison avec ceux des années précédentes et compte tenu du contexte très particulier dans lequel l’année scolaire et l’examen lui-même se sont déroulés, marqués évidemment par le climat de peur et d’angoisse généré par la pandémie de Covid-19.
Il faut, dans ce cadre, rappeler le bilan dramatique de la pandémie en Tunisie, avec plus de 15 000 décès en un an, et ce bilan sa s’alourdir au cours des prochaines semaines, eu égard l’augmentation exponentielle des cas de contamination.
Le Covid-19 a chamboulé la vie scolaire
Cette pandémie a bouleversé de fond en comble beaucoup de paramètres: perturbation du déroulement normal des cours, vacances scolaires, impact négatif sur les conditions de préparation des examens par les élèves et sur le moral de beaucoup de candidats et de leurs parents… Sans oublier l’ambiance électrique qui règne dans tout le pays avec la crise politique et économique chronique et la volonté de tout un peuple d’en découdre… avec un régime politique l’incompétence n’a d’égal que l’arrogance, outrageusement dominé par les islamistes et leurs alliés.
Il faut toutefois se féliciter du fait que les résultats du bac reflètent le niveau réel des candidats après l’excellente mesure décidée par l’ancien ministre de l’Education Hatem Ben Salem de supprimer la comptabilisation des résultats enregistrés au cours de l’année de la terminale, à raison de 25%, dans le résultat final de l’examen du baccalauréat, avec les dépassements et abus en tous genres auxquels ce système avait donné lieu en son temps.
Pour le ministère de l’Education et celui de l’Enseignement supérieur, les résultats du baccalauréat ne doivent être qu’une étape dans un long processus qui concerne l’avenir de ces jeunes gens, ceux qui ont réussi l’examen comme ceux qui ont été recalés.
Mieux orienter des bacheliers souvent désorientés
Pour les pouvoirs publics comme pour les élèves admis ou non et leurs parents, des questions majeures émergent et méritent d’être étudiées sans langue de bois, de manière franche et en toute sérénité. Celles-ci concernent l’avenir scolaire et professionnel de cette population, le casse-tête, voire le cauchemar de l’orientation universitaire, le choix des études à faire, les opportunités offertes, les études à l’étranger, les équivalences de diplômes, et en particulier les disponibilités d’emplois dans l’avenir en Tunisie et à l’étranger…
Autant de questions que les ministères concernés (Education nationale, Enseignement supérieur, Economie et Finances, Fonction publique, Formation et Emploi, Santé, Affaires étrangères et Immigration, Technologies de l’information) et les syndicats et la société civile en général sont censés avoir étudiées à temps et de manière approfondie … tant elles sont d’une importance majeure pour tout le pays.
Pour ce faire, il faut que les deux ministères concernés directement par cette population de nouveaux bacheliers répondent à la question suivante : le baccalauréat et après, quoi en faire ? Leur souci majeur en la matière doit être de s’organiser pour fournir de manière responsable et efficace le maximum d’informations pour ces jeunes bacheliers souvent désorientés afin de leur permettre dès maintenant de faire des choix d’orientation responsables et appropriés en rapport avec leurs résultats, capacités intellectuelles, nombre de places offertes dans les universités et écoles supérieures, opportunités actuelles et futures sur le marché de l’emploi en Tunisie et ailleurs.
Armer les jeunes étudiants et les responsabiliser
L’objectif est d’anticiper, de responsabiliser cette population de jeunes gens, de la traiter avec dignité et respect, de lui tenir un langage vrai sans mensonges et fausses promesses, de comprendre ses soucis, préoccupations et inquiétudes et d’aider à résorber ses angoisses comme celles des parents. Plus ils respectent cette population en lui disant toutes les vérités sans détour, mieux c’est pour tout le pays.
Il faut que ces jeunes comprennent qu’ils doivent améliorer leurs performances, redoubler d’efforts, savoir comment accéder au monde universitaire. Bref, leur permettre d’affronter le monde de l’université avec sagesse, savoir-faire et responsabilité… et surtout être dès maintenant instruits sur les chances réelles d’emploi offertes demain par telle ou telle études supérieures…
Les ministères compétents (Education et Enseignement supérieur) pourraient même penser ensemble à organiser des universités de soir pour ces jeunes gens pour les aider à acquérir dès maintenant des compétences dans le domaines des langues étrangères, de l’informatique, des TIC, des nouveaux métiers, de la formation de la personnalité, de la communication, de l’environnement géopolitique… pour mieux les outiller et les aider à affronter le monde de demain qui sera complètement différent de ce que nous vivons aujourd’hui.
Ces deux départements doivent pour l’heure s’organiser et communiquer à travers les médias par ces temps de Covid-19 pour toucher le maximum de personnes dans cette population de nouveaux bacheliers, souvent en manque cruelle d’informations utiles et pertinentes.
L’objectif est d’écouter ces jeunes bacheliers, les encadrer intelligemment en leur fournissant les informations appropriées de nature à les aider à se prendre en charge, à faire des choix justes, de manière réfléchie et responsable. Cela leur fera gagner dès maintenant du temps et de l’argent et évitera à bon nombre d’entre eux (qui seront malheureusement munis de diplômes à très faible employabilité) de venir se plaindre dans quelques années de leur sort, en se voyant rejoindre les rangs des dizaines de milliers de chômeurs de longue durée. Avec toutes les conséquences néfastes que cette situation ne manquera pas d’avoir sur leur moral, leur avenir et bien sûr la stabilité du pays dans son ensemble.
C’est là, certes, un grand chantier pour les bacheliers, mais surtout pour les pouvoirs publics. Mais, il doit être ouvert sans délai. Il y va de la responsabilité de l’Etat au premier chef, beaucoup plus que de celle des parents et des élèves eux mêmes.
Ces derniers, comme chaque année après l’annonce des résultats du baccalauréat, entrent véritablement en galère, se perdent dans les dédales des orientations et commettent des erreurs graves qui impactent très sérieusement leur moral et leur avenir…
Il est extrêmement urgent de les doter de tous les moyens pour se déterminer en citoyen responsable agissant de façon intelligente et sereine. Il faut s’employer pour leur donner des raisons d’espérer dans leur pays, qui leur a promis travail et dignité, mais qui n’arrive pas, depuis dix ans, à tenir ses promesses.
À bon entendeur …
* Ancien ambassadeur.
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