Yacine Kateb, plus connu sous son nom de plume Kateb Yacine, né le 2 août 1929 à Constantine, en Algérie, et mort le 28 octobre 1989 à Grenoble, en France, il est enterré au cimetière d’Al Alia à Alger. Issu d’une famille de berbères chaouis lettrée de Nadhor, actuellement dans la wilaya de Guelma, Kateb Yacine est romancier et dramaturge visionnaire, considéré grâce à son roman »Nedjma » comme le fondateur de la littérature algérienne moderne. Il reste aussi pour la postérité comme un grand poète.
Le jeune Kateb, fils d’un père avocat et d’un grand-père magistrat, étudie successivement à l’école française à Lafayette (Bougaa en basse Kabylie, actuelle wilaya de Sétif) où sa famille s’est installée, puis en 1941, comme interne, au lycée Albertini de Sétif devenu lycée Kerouani après l’indépendance.
Kateb Yacine était avant tout un poète rebelle. Vingt ans après sa disparition, il occupe en Algérie la place d’un mythe national et reste aussi l’une des figures les plus importantes et révélatrices de l’histoire franco-algérienne, toute de douleurs et de passions.
Témoin de la répression sanglante des manifestations du 8 mai 1945 à Sétif, il publie ses premiers poèmes l’année suivante : »Soliloques ». Dix ans plus tard paraît son roman »Nedjma » (1981). À partir de 1959, il écrit surtout pour le théâtre : ‘‘Le cercle des représailles » (1959), »L’homme aux sandales de caoutchouc » (1970), »Mohammed, prends ta valise » (1971), »La guerre de 2000 ans » (1974), »Palestine trahie » (1978)… Parmi ses livres majeurs, il faut encore citer »Le polygone étoilé » (1966) et »L’œuvre en fragments » ( 1986).
– 1 –
J’ai plongé dans le néant
Et aujourd’hui je suis renaissant
Hier j’étais dans l’abîme
Demain je serai grandissime
Étranger est l’Éternel, ed. Edmond Chemin, 2016.
-2-
Descendons dans les rues
Beaux et complètement nus
C’est ainsi en étant à notre avantage
Que nous obtiendrons le meilleur éclairage
Chantons à haute voix sur les toits
N’attendons pas d’être aux abois
N’attendons pas que le destin nous dérange
Nous ne serons jamais des anges
Prenons-le à bras-le-corps
Défions même la mort
Allons jusqu’au bout de nos rêves
Là où jamais ils ne s’achèvent
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
– 3 –
Celui qui connaît la vérité ne cherche pas à plaire
Encore moins à se satisfaire
Il vit spontanément
Il peut être avide et violent
Ou tout donner avec une douceur merveilleuse
Sa sincérité est toujours prodigieuse
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
– 4 –
À chaque jour suffit sa joie
Et à chacun suffit sa voie
Va toujours vers ce qui te plaît
Mais ne regarde jamais à côté
Poèmes de mon nouvel âge, ed. Edmond Chemin, 1998, 2016.
– 5 –
Aimer est une joie en soi
Qui ne se partage pas
À vrai dire aimer est égoïste
L’amour n’est pas un moraliste
Ce n’est pas un objet de représentation
Ce n’est pas un objet de consommation
Et si par hasard malgré nous il s’exprime
Ne le laissons jamais devenir légitime
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
– 6 –
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
Au-dessus des nuages le ciel est toujours bleu
Et c’est à la fin de la nuit que le soleil se lève radieux
Tu es lumière et tu retourneras en lumière
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
– 7 –
Toute beauté n’est qu’une expression
D’une beauté bien plus belle encore
C’est la vérité
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
– 8-
Quand l’orgueil fait naufrage
Il prend l’autre pour otage
En lui donnant l’amour pour rançon
Il le guérit sans raison
Poèmes de mon nouvel âge, ed. Edmond Chemin, 1998, 2016.
– 9 –
Je pars toujours de la fin pour arriver au début
Comme ça j’ai déjà tout vécu
Je ne cherche pas de rivage
Mais sans relâche je nage je nage je nage
L’Autre Ici, ed. Edmond Chemin, 2015.
– 10 –
Tu t’aperçois là-bas loin d’où tu es
Car tu confonds le vrai et son reflet
Le masque et la face
Ce qui est immuable et ce qui passe
Le meilleur de ton être ne peut être vu
Ne peut être entendu
Le meilleur de ton être
C’est ce que tu ne peux jamais paraître
Éclats de miroirs, ed. Edmond Chemin, 2019.
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