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Qui de Abir Moussi et Kaïs Saïed va enterrer le premier la hache de guerre ?

En tant que président de la république en exercice mais aussi en tant que futur probable candidat à la présidentielle, Kaïs Saïed a tout à gagner à prendre langue avec Abir Moussi pour ne pas s’aliéner les Destouriens, une famille politique importante, dont l’avocate, qu’il le veuille ou pas, est aujourd’hui l’incarnation vivante, une sorte de «petite-fille» de Bourguiba. Femme au caractère bien trempé, mais très aimée par les Tunisiens.

Par Imed Bahri

On attendait de savoir ce qu’elle pensait de l’activation, par le président de la république Kaïs Saïed, dans la soirée du dimanche 25 juillet 2021, de l’article 80 de la Constitution qui lui donne l’essentiel des pouvoirs en Tunisie. Principale voix de l’opposition au régime des «Khouanjia» (Frères musulmans) du mouvement islamiste Ennahdha, que le coup de pied dans la fourmilière du chef de l’Etat a mis à terre, Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre (PDL), a pris le temps d’élaborer sa réaction en faisant durer le suspense pour ses partisans autant que pour ses détracteurs, aussi nombreux les uns et les autres.

Les premiers craignaient de sa part une réaction impulsive, passionnée et en nette contradiction avec la vague de sympathie populaire provoquée par le coup d’éclat de Saïed. Car ils sont bien placés pour connaître le sentiment d’antipathie que le professeur de droit et l’avocate se vouaient cordialement.

Les seconds n’ont pas caché leur satisfaction de voir le très pieux Saïed chasser sur le terrain de la tonitruante leader destourienne, qui est celui de l’anti-islamisme sans concession, en assénant un coup imparable aux dirigeants du parti Ennahdha. «Kaisoun lui a volé son fond de commerce», lançaient-ils sur les réseaux sociaux, en se demandant comment Abboura allait réagir, moins par curiosité qu’animés par un secret désir de la voir monter sur ses grands chevaux pour s’attaquer au locataire du Palais de Carthage, une guerre de titans en somme. Pour beaucoup de Tunisiens, la politique n’est-t-elle pas devenue, depuis 2011, une interminables chronique de querelles, de coups bas et de clashs à répétition.

«On ne donne pas un chèque en blanc. On jugera sur pièces»

Le suspense a été rompu hier soir, lundi 26 juillet 2021, lorsque Mme Moussi nous a gratifiés d’un nouveau live-vidéo où, sans surprise, le nom de Kaïs Saïed n’a à aucun moment été prononcé, même si tout le discours de la présidente du PDL était consacré au dernier «putsch constitutionnel» du président de la république. Mme Moussi, qui ne manque pas d’entregent et de doigté, s’est bien gardé de lâcher les freins. Ses propos étaient même modérés, policés et pesés à l’aune des gains espérés et des pertes à éviter. Le résultat ayant été la chute des «Khouanjia», le but ultime de son combat, elle ne pouvait faire la fine bouche en reprochant à Saïed les libertés prises, sur le plan juridique, avec l’article 80 de la Constitution. Par ailleurs, et tout en étant consciente des limites que cet article assigne aux pouvoirs ainsi élargies du chef de l’Etat, Mme Moussi était dans son rôle d’opposante en lui lançant des avertissements. «On ne donne pas un chèque en blanc. On jugera sur pièces», dira-t-elle.

Mme Moussi se donne donc le temps d’observer les actes, faits et gestes du président au cours de la période à venir et de réagir en conséquence le moment venu. L’essentiel à ses yeux étant que le président ne commette les erreurs qu’il avait déjà commises en choisissant des hommes et des femmes pour des postes pour lesquels ils n’avaient pas les qualités requises. Et le plus grave, à ses yeux, serait de le voir remettre sur les devants de la scène politiques quelques «sous-marins», traduire: des islamistes déguisés.

Bien sûr, Abir Moussi a pris soin de rappeler le rôle important qu’elle a joué, elle et son parti, dans le combat contre l’islam politique, sous la coupole de l’Assemblée mais aussi en dehors, avec l’opération menée contre le bureau tunisien de l’Association des oulémas musulmans, véritable officine de renseignement et de propagande au service des Frères musulmans, ou encore la série de meetings populaires dans les grandes villes du pays sous le thème de «La révolution des lumières», sans parler des millions de followers de ses live-vidéo quotidiens.

Cette œuvre de salubrité publique, Mme Moussi est en droit de la revendiquer, et elle l’a fait longuement dans sa live-vidéo car aucun autre dirigeant politique n’a fait autant qu’elle dans ce domaine, subissant des violences et mettant parfois même sa vie en danger.

Elle est «le seul mec en Tunisie», disent encore d’elle ses concitoyens

Au moment où les dirigeants des autres partis composaient ouvertement avec les islamistes, animés par un opportunisme honteux, faisant et défaisant avec eux des majorités gouvernementales aussi incompétentes qu’éphémères, et menant le pays de désastre en catastrophe, Mme Moussi était pratiquement seule parmi les les leaders politiques à faire face avec abnégation et courage. Ce qui fit dire à beaucoup de ses concitoyens qu’elle était «le seul mec en Tunisie».

Cela, personne ne le lui enlèvera, et le président Saïed devrait avoir l’honnêteté de lui reconnaître ce rôle important dans le combat contre l’islam politique et ne pas trop chercher à tirer la couverture à lui. Car il perdrait toute crédibilité et ferait preuve d’une grande malhonnêteté. Le fait qu’il refuse toujours de recevoir Mme Moussi, dont le parti est en tête des sondages pour les législatives depuis plusieurs mois, ce dont celle-ci s’offusque à juste titre, alors qu’il reçoit régulièrement de pseudos dirigeants de petits partis insignifiants se réclamant de lui, n’honore pas M. Saïed, mais prouve sa rigidité doctrinale et son inexpérience politique. Car en tant que président mais aussi en tant que futur probable candidat à la présidentielle, il a tout à gagner à ne pas s’aliéner une famille politique aussi importante, celle des Destouriens, dont Mme Moussi, qu’il le veuille ou pas, est aujourd’hui l’incarnation vivante, une sorte de «petite-fille» de Bourguiba.

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