Dans cet article que nous avons traduit en français, l »auteur décrypte le tournant géopolitique qui se déroule en Afghanistan. Il considère que le retrait américain et la livraison de ce pays aux Talibans sont tout sauf anodins ou encore moins accidentels. C’est le fruit d’un calcul froid des Américains et tout a été programmé au Qatar entre les États-Unis et les Talibans car en leur donnant le pouvoir en Afghanistan, Washington cherche à déstabiliser son ennemi iranien et son adversaire russe. Mais pas seulement. Décryptage.
Par Ali Temmi *
Avant le retrait des États-Unis et de ses alliés d’Afghanistan, Washington a bien programmé les Talibans en fonction de ses intérêts et s’est mise d’accord avec eux sur les grandes lignes sur la manière de gérer ce pays après le retrait.
Déstabilisation de l’ennemi iranien.
Il faut dire que la forte pénétration iranienne du Moyen-Orient surtout après les récents événements dans le Sud du Liban (accrochage entre le Hezbollah et l’armée israélienne début août, des obusiers automoteurs israéliens ont tiré vers le Liban depuis une position près de la ville de Kiryat Shmona, dans le nord d’Israël, à la suite de tirs de roquettes par le Hezbollah ce qui aurait pu basculer en guerre, Ndlr) et la mainmise iranienne politique sur Bagdad ont mis Washington dans une position peu enviable ce qui l’a incité à réorganiser à nouveau ses cartes dans la région et a transféré le jeu avec les Iraniens sur le terrain afghan, et les Talibans sont le nouvel outil du jeu.
Déstabilisation des grands adversaires russe et chinois
Quant à l’autre grand adversaire des États-Unis à savoir la Russie de Poutine, elle a encerclé la Turquie et l’Europe (pays de l’Otan) avec une ceinture de feu à travers ses missiles à longue portée, elle a commencé à franchir les lignes rouges, en particulier aux frontières de l’Ukraine et à l’intérieur de la Libye et de la Syrie, et c’est pour cette raison également que le recours aux Talibans pour faire revivre à Poutine «l’expérience de l’Union soviétique» (guerre d’Afghanistan 1979-1989, Ndlr) est devenu inévitable.
Quant à la Chine, et face au silence européen, elle a commencé à menacer Washington dans toutes les parties du monde. Son expansion technologique en Asie de l’Est et au Moyen-Orient a mis Washington en position de faiblesse et lui a fait perdre nombre de ses cartes et de son prestige dans le monde, notamment après avoir levé le carton rouge face à Washington au Conseil de sécurité.
De plus, les peuples de la région ont perdu confiance en les États-Unis à cause de leur mauvaise politique au Moyen-Orient. Il ne fait aucun doute que les pays (Turkménistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Russie, Chine, Inde, Pakistan, Iran et enfin la Turquie) seront touchés par la crise afghane car le vide géopolitique laissé par Washington dans la région va la pousser dans un «chaos créatif» pour mettre un terme à l’expansion russe en eaux chaudes, à l’expansion chinoise en Asie de l’Est et à l’expansion iranienne au Moyen-Orient.
Une vipère venimeuse au service de l’Oncle Sam
Washington a soigneusement et bien arrangé ses cartes avec les Talibans et leur a remis le pays avec ses ressources naturelles en totalité, et en échange, ils attendent d’eux qu’ils agacent l’Iran, la Russie et le Pakistan par le biais d’un plan convenu d’avance.
Ce ne sont pas les Talibans d’il y a vingt ans, Washington les a transformés avec sa sophistication politique en vipère venimeuse qu’il jettera sur n’importe quelle partie qui ne se conforme pas à son agenda et qui essaie de jouer avec les équilibres existants depuis la Seconde Guerre mondiale.
En définitive, l’Afghanistan se dirige inévitablement vers le chaos créatif, la Turquie se retrouvera face à une émigration de masse par millions, le Pakistan – allié des Talibans – les soutiendra avec le renseignement et des équipements militaires tandis que Téhéran et Moscou devront s’attendre dans la période à venir à de nombreuses difficultés, défis et catastrophes qui ont été cuits à feu doux à Doha.
* Ecrivain et analyste syrien. Membre dirigeant du Courant Al-Mustaqbal kurde.
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