Dans cette vidéo datant de l’époque de Béji Caïd Essebsi, en 2015, un septuagénaire disait déjà ce qu’une écrasante majorité de Tunisiens, qui soutiennent aujourd’hui le président Kaïs Saïed, pense et dit désormais à haute voix, à savoir que le pays est gangrené par la corruption, la spéculation et la contrebande, dont les citoyens continuent de payer le prix fort en termes d’inflation et de chute de leur pouvoir d’achat. Vidéo.
Si cette vidéo est de nouveau massivement partagée aujourd’hui sur les réseaux sociaux, c’est parce qu’en six ans et plusieurs gouvernements après, la réalité du pays n’a pas changé. Et les citoyens lambda vous le diront, en généralisant et en forçant un peu le trait : l’administration est corrompue, la douane et corrompue, la justice est corrompue, la police est corrompue, les médias sont corrompus, les partis sont corrompus, et le commerce de la distribution est tenu par une poignée de spéculateurs adossés à une administration publique dont l’impuissance n’a d’égal que le laxisme voire la complicité active avec les spéculateurs.
Le vieil homme, qui se lâche dans cette vidéo, ne voit qu’une solution : l’armée doit prendre le pouvoir pour remettre de l’ordre dans le pays. Et beaucoup de Tunisiens le disent désormais ouvertement : la Tunisie a besoin d’un homme fort comme l’Egyptien Al-Sissi pour sauver le pays d’une faillite annoncée. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si tous les sondages d’opinion , depuis 2011 le disent: l’armée est la première (et pratiquement la seule) institution républicaine en laquelle les Tunisiens ont encore confiance. Faut-il s’en féliciter? Beaucoup de citoyens, qui ont vomi la démocratie d’opérette et de pur apparat mise en place depuis 2011, s’en félicitent ouvertement.
Si ce n’est pas là une gifle retentissante pour toute la classe politique et pour l’élite intellectuelle dans le pays, cela lui ressemble beaucoup. Julien Benda parlait, en 1927, en France, de «La trahison des clercs», un manifeste de méfiance face aux idéologies et aux idéologues qui valut à son auteur d’être attaqué très violemment par la quasi-totalité des intellectuels de son temps. La suite des événements lui donnera raison…
Cette trahison là, nous la vivons aujourd’hui en Tunisie et le ras-le-bol du petit peuple s’exprime déjà par les très forts taux d’abstention enregistrés dans toutes les consultations électorales et qui s’est aggravée au fil des ans. Une abstention qui s’explique aisément : un parlement qui compte des jihadistes violents, des barons de la contrebande et des figures de la corruption ne saurait symboliser la démocratie que ces chers islamistes d’Ennahdha et leurs alliés soi-disant libéraux progressistes nous vantent du matin au soir.
I. B.
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