Deux déclarations faites hier, jeudi 2 septembre 2021, par le président de la république Kais Saied et le président de l’Association ses magistrats tunisiens (AMT), Anas Hmaidi, mettent le doigt sur l’une des principales causes de l’échec de la transition démocratique en Tunisie, à savoir le quasi-refus de la magistrature tunisienne de se réformer et de jouer son rôle dans l’assainissement de la situation dans le pays.
Par Imed Bahri
Le président Saïed, qui s’adressait à des responsables d’organisations nationales opérant dans le domaine des droits, a déploré le laxisme de la justice qui rechigne à jouer son rôle dans la lutte contre la corruption et la contribution active de certains juges au système de corruption en laissant traîner les dossiers et en faisant même disparaître des pièces à charge contenues dans ces dossiers.
Qui mettra les tenants de l’immobilisme hors d’état de nuire ?
Cette accusation, dont la gravité n’échappe à personne, n’a pas suscité de réaction parmi le corps des magistrats, dont l’absence de réaction dénote un accord tacite avec les allégations du chef de l’Etat. Et ce silence trahit la division actuelle de ce corps essentiel au bon fonctionnement des institutions démocratiques entre les tenants de l’immobilisme, dont beaucoup sont impliqués dans le système de corruption et traînent des casseroles, et les fervents défenseurs des réformes, qui tardent à être mises en route, et qui ont du mal à faire entendre leurs voix par les notables de la profession.
Le président de l’AMT a, de son côté, dénoncé, en marge d’une conférence de presse, la résistance du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et son refus de mettre en route les réformes revendiquées par la profession, résistance que traduit le dernier mouvement dans le corps de la magistrature qui conforte la domination des magistrats accusés par leurs collègues d’avoir dévoyé la profession.
Ouvrir des enquêtes judiciaires sur la fortune de certains magistrats
Le fait que des membres importants du CSM soient cités par des enquêtes internes de l’inspection générale du ministère de la Justice pour avoir commis des dépassements de toutes sortes (détournement de procès, manipulation de procédures judiciaires, liens douteux avec des partis politiques, etc.) conforte ce sentiment partagé par une majorité de Tunisiens que la magistrature est un corps gangrené par la corruption.
Anas Hmaidi a, par ailleurs, déploré l’enrichissement spectaculaire de certains magistrats et demandé aux autorités de lancer des enquêtes judiciaires sur la fortune de certains de ces magistrats et de commencer par les membres du CSM, laissant ainsi entendre que cette instance constitutionnelle, censée défendre l’indépendance de la justice et son intégrité, est devenue une sorte de blanchisseuse, qui empêche toute tentative d’assainissement du secteur.
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