L’Afrique du nord, zone stratégique importante pour le jeu des grandes puissances, connaît actuellement de fortes transformations. La alliances remontant à la Guerre froide doivent être revues et corrigées, notamment celle qui scelle le destin de la Tunisie au seul bon vouloir des Etats-Unis. Les cartes du monde changent, surtout depuis le désengagement occidental de l’Iraq et de l’Afghanistan, dans les conditions humiliantes que l’on sait, et nous devons changer aussi…
Par Chedly Mamoghli *
La Russie, qui est très influente en Libye, veut faire de Seïf Al-Islam Kadhafi le prochain président libyen (scrutin prévu le 24 décembre 2021), Les États-Unis ne veulent pas en entendre parler, sachant que le fils Kadhafi bénéficie d’une importante popularité parmi les tribus libyennes. Moscou s’active même à convaincre le maréchal Khalifa Haftar de soutenir le fils Kadhafi.**
Jeu des puissances en Afrique du nord
Sur un autre plan, Moscou a dépêché une importante délégation militaire à Alger cette semaine présidée par le vice-ministre russe de la Défense. La chute des Frères Musulmans en Égypte en 2013 a été un coup dur pour Washington qui avec les printemps arabes a misé sur les Frères Musulmans pour gouverner le monde arabe (soutien fort de Barack Obama et de Hillary Clinton, rôle important de la Turquie de Recep Tayyip Erdogan et sous-traitance du Qatar).
Également, la Russie joue un rôle très actif en Afrique subsaharienne (par exemple au Mali où la France est en difficulté) et au-delà (Centrafrique).
Tout cela pour dire que les Américains sont nos alliés historiques avec lesquels nous voulons garder des relations amicales et demeurer des amis mais qu’ils ne sont pas aussi puissants qu’ils l’étaient et qu’on continue parfois de le penser, que le vent tourne, que leur influence est fortement disputée et que s’ils veulent que l’on reste alliés, qu’ils s’abstiennent de nous dire ce que nous devons faire. Il n’est pas dans leur intérêt de perdre un autre allié surtout que la Tunisie est, contrairement à ce que pensent les profanes, un pays très important sur le plan géopolitique. C’est un pays au cœur de la Méditerranée et toute déstabilisation peut impacter les deux gros morceaux que sont l’Algérie et la Libye mais aussi directement l’Europe.
La Tunisie doit mieux identifier ses intérêts stratégiques
Dans tous les cas, la Tunisie doit diversifier et rééquilibrer ses relations. Nous devons renforcer nos relations avec la Chine et la Russie y compris sur le plan militaire pas seulement économique. Les États-Unis doivent rester un allié comme un autre mais pas le seul et l’unique, comme cela le fut pour la Tunisie au cours des soixante-cinq dernières années.
En conclusion, l’influence russe s’accroît au Maghreb, l’influence américaine y décroît et la Tunisie doit savoir mettre à son profit cette situation.
* Juriste.
** Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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