Le discours prononcé hier soir, lundi 20 septembre 2021, à Sidi Bouzid, par le président de la république Kaïs Saïed, et diffusé en direct par la chaîne publique Wataniya 1, était très mal transmis du point de vue acoustique et fut interrompu à plusieurs reprises. Ce matin, le site web de la présidence de la république ne fonctionne même pas. La communication présidentielle, qui multiplie les ratés, gagne à être améliorée.
Par Imed Bahri
Hier, les Tunisiens, qui ont été frustrés par les interruptions intempestives de la diffusion du discours présidentiel, s’en sont pris injustement à l’Etablissement de la télévision tunisienne (ETT). Car le dysfonctionnement devrait être cherché ailleurs, dans le style de communication du président de la république, assez rudimentaire et rendue laborieuse par un mélange d’amateurisme et d’improvisation.
La gabegie à Sidi Bouzid
Hier soir, le président a pris le chemin de Sidi Bouzid sans en informer au préalable les autorités locales. Et c’est ainsi qu’il a débarqué de façon impromptue au siège du gouvernorat de cette ville du centre de la Tunisie en l’absence du gouverneur qui était loin de son bureau qu’il a dû rejoindre en catastrophe.
Les Tunisiens ont remarqué la gabegie qui régnait dans l’enceinte du gouvernorat investi par une population hétéroclite et chahuteuse et qui n’a cessé d’interrompre le discours présidentiel par ses cris et vociférations croyant exprimer ainsi son soutien à Kaïs Saïed. Certains opposants ont parlé de mise en scène, or il n’en fut rien, car le meeting était visiblement très mal organisé et le désordre sautait aux yeux. Tout était improvisé et l’affaire échappait visiblement au contrôle des autorités locales, totalement dépassées car non informées à temps et non vraiment préparées.
Sur un autre plan, les équipes de la télévision, qui auraient dû être informées elles aussi à temps pour qu’elles puissent s’organiser et se doter des effectifs et des équipements nécessaires pour la diffusion en direct d’un événement national de cette envergure, ont dû elles aussi improviser et parer au plus urgent avec les moyens humains et techniques retrouvés dans la région. Selon une source à l’ETT, certains équipements ont été ramenés en catastrophe de Kasserine. Pis : ces équipements s’étaient avérés défectueux ou ne permettaient pas une diffusion en direct sans interruption d’un événement de cette envergure et qui s’est déroulé dans des conditions de désorganisation totale.
Des ratés inacceptables
A qui la faute ? La réponse est évidente : les services de la présidence de la république n’ont pas fait leur travail ou ont été eux aussi bousculés par les décisions intempestives, improvisées ou annoncées en dernière minute par le président Saïed, pour des raisons de sécurité ou afin de ménager l’effet de surprise que cherche souvent le locataire du palais de Carthage, croyant pouvoir ainsi déstabiliser ses adversaires.
Quoi qu’il en soit, il y a des ratés qui, à ce niveau-là, sont inacceptables et la présidence de la république doit accorder davantage d’importance à sa communication et se doter des équipes, des équipements, des protocoles et des modalités d’organisation qu’exige une disponibilité totale de l’information officielle vingt-quatre heures sur vingt-quatre heures, comme c’est le cas sous d’autres cieux. Ce n’est pas sorcier : il faut juste ne pas confondre l’exigence de secret que requiert la gestion des affaires de l’Etat et le mutisme d’Etat qui ouvre la voie aux supputations, aux rumeurs et aux malentendus.
A cet égard, le mutisme souvent observé par la présidence de la république et son manque de réactivité pour démentir certaines informations inexactes concernant le président de la république, la sécurité de l’Etat ou les relations internationales de la Tunisie, diffusées par certains médias mal intentionnés, sont incompréhensibles et inacceptables, car elles pourraient provoquer des crises ou des conflits dont on se passerait volontiers grâce à une communication professionnelle, réactive et servie à temps. Est-ce demander la lune ?
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