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La Tunisie doit réinventer son enseignement sclérosé

Les maux dont souffre l’enseignement en Tunisie ne sont plus à démontrer, qui vont de la corruption pour l’édition de livres scolaires jusqu’aux cours particuliers généralisés pour toutes les matières en passant par la violence caractérisée envers les enseignants. Mais la réforme de l’enseignement dont on parle depuis des années n’est qu’un serpent de mer dont tout le monde parle mais que personne n’a jamais vu. Nous passons en revue dans cet article certaines expériences pionnières d’innovation en matière d’enseignement dans certains pays du monde qui ont mis leur système de formation au diapason de leurs besoins de développement économique.

Par Mohamed Rebai *

Depuis quelques années des universités prestigieuses tel que celles de Columbia, Princeton, Harvard ou même de Londres et de Jérusalem proposent des cours de masse gratuits en ligne sous forme de clips vidéo appelés massive open on line courses (Mooc), comme dans un véritable amphi. Pour s’y inscrire, il suffit d’avoir une adresse e-mail.

Des sites web récemment créés aux États-Unis, toujours à l’avant garde des idées novatrices Udacity, Coursera et EDX comptent déjà 3 millions d’étudiants. Ils viennent de tous les pays du monde hormis la Corée du Nord.

L’Inde, la plus grande démocratie du monde, s’est mise également sur le créneau depuis 2009 ciblant l’Afrique (48 pays) pour des questions d’intérêts géostratégiques. Elle leur offre des services gratuits de télémédecine et d’enseignement à distance. Des cours gratuits online sont prodigués par sept universités en Inde et cinq en Afrique et des médecins indiens peuvent soigner des patients sur l’autre continent.

Mahatir Mohamed, qui a été Premier ministre de Malaisie pendant 22 ans (1981-2003), est à l’origine de la modernisation de son pays devenu en un laps de temps très court un fabricant mondial de produits high-tech et un hub financier et de télécoms. Il a mis en place un programme économique «Wawasan 2020» (Vision 2020) qui a permis la croissance économique de son pays.

Il a également modernisé l’enseignement qui était complètement en panne. Dès son arrivée au pouvoir, il a ordonné une année sabbatique dans tous les établissements scolaires qu’il considérait comme des fabriques gigantesques de chômeurs. Il a formé des commissions composées d’enseignants, d’élèves et d’étudiants et même de parents de ces derniers pour aller s’enquérir aux États-Unis, en Europe et au Japon des meilleurs systèmes scolaires en vigueur.

Résultat, avec un modèle d’enseignement innovant, le pays n’a pas tardé à réaliser les taux de croissance les plus impressionnants: 8,1% en 2000, 3,5% en 2002, 5,5% en 2003. En 2002, la Malaisie a eu le taux de chômage le plus bas du monde et en 2001, le pays avait accueilli plus de dix millions de touristes sans compter qu’il est à l’origine de quelques projets économiques de grande importance : le constructeur automobile Proton, les tours jumelles les plus hautes du monde (452m), l’aéroport le plus moderne du monde construit en 1998, la nouvelle capitale de l’informatique et du multimédia, Cyberjaya, etc.

J’aurais aimé que les autorités de mon pays invitent cet homme porteur d’une grande expérience de gouvernance éclairée et qui donne épisodiquement des conférences dans les prestigieuses universités américaines et européennes, au lieu de nous faire perdre notre temps avec des pseudo-politiques qui occupent inutilement l’espace médiatique et nous empêchent de réfléchir sur nos problèmes brûlants (inflation, chômage, développement durable etc.)

Je peux parler d’autres pays comme le Japon, la Corée du Sud, les pays scandinaves ou même la Thaïlande qui a mis en œuvre un programme de réforme économique basé sur un enseignement de qualité mais l’espace ici ne le permet pas.

Un système sclérosé qui produit des chômeurs

En Tunisie tout le monde sait que le système actuel s’essouffle et ne donne plus des résultats probants. D’ailleurs, nos universités, les moins innovantes de la planète, sont très mal classées mondialement. Les professeurs d’aujourd’hui enseignent exactement de la même façon que le faisaient leurs aînés il y a cinquante ans ! Pourquoi ? parce que le système actuel avec ses barrières, ses privilèges et ses grandes inégalités n’est plus porteur d’innovation. C’est un système sclérosé. Et la Tunisie n’est plus un modèle pour les pays du tiers-monde, comme elle le fut dans les années 1960-1970, mais un important «laboratoire de cancres». Rien qu’à Kairouan, près de 15 000 étudiants suivent un cursus littéraire servant à grossir les rangs des chômeurs déjà en surnombre.

Tout le monde doit plancher sur la question dans les plus brefs délais. Les maux dont souffre notre enseignement ne sont plus à démontrer allant de la corruption pour l’édition de livres scolaires jusqu’aux cours particuliers généralisés pour toutes les matières en passant par la violence caractérisée envers les enseignants.

J’ai entendu parler de l’Université virtuelle de Tunis qui ne donne plus de signe de vie et je ne sais pas, par ailleurs, ce qu’elle devient. Que préférez-vous suivre en ligne des cours proposés par les meilleurs spécialistes du monde avec l’enseignement à distance ou écouter le professeur de seconde zone qui enseigne dans votre université locale?

Pour endiguer la violence qui prend des proportions alarmantes dans nos établissements scolaires, il devient impératif de se mettre à table et de discuter de l’opportunité d’une réforme en profondeur de l’enseignement (le dedans et le dehors, la place des parents, du quartier, du périscolaire…) . La tentative d’assassinat, il y a quelques jours, d’un professeur de l’enseignement secondaire par son élève n’est que le prélude à des bouffées d’agressivité qui peuvent être encore plus graves.

* Économiste retraité.

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