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Violence domestique et maltraitance animale en Tunisie

Dans le climat de violence actuel en Tunisie, les animaux ne sont pas épargnés.

La violence domestique ne cesse de croître particulièrement à l’encontre des femmes et des enfants. Des études sérieuses ont montré le lien étroit entre violence domestique et maltraitance animale. Les enfants qui assistent à des scènes ou subissent des violences ont tendance à reproduire ces agressions d’abord sur des animaux puis plus tard sur des humains.

Par Ridha Bergaoui *

Ces dernières années, la Tunisie a connu une vague de violence sans précédent : terrorisme, assassinats politiques, violences envers certains corps de métier (personnel de santé, enseignants…), violences au sein des familles, détournements et viols de mineurs, braquages, violences entre époux pouvant aller jusqu’au meurtre prémédité… L’agression sauvage et la tentative de meurtre à la hache de l’enseignant du lycée d’Ezzahra de la part de son élève, pour une raison tout à fait banale sans aucun rapport avec l’acte prémédité, est révélatrice d’une dégradation grave des valeurs morales de notre société.

La violence virtuelle sur les réseaux sociaux, le cyber harcèlement, les insultes et les mots vulgaires… sont également des crimes de plus en plus présents. Des jeux vidéo, certaines séries télévisées et des dessins animés véhiculent chez nos jeunes les notions de haine, de vengeance, de violence et d’assassinat. Tuer devient facile et banalisé.

Ces incidents graves et sordides nous laissent inquiets et devraient être l’occasion, pour les spécialistes, les sociologues, les responsables et les politiciens, d’analyser ce phénomène, qui déstabilise la société, afin de trouver les solutions adéquates.

Femmes et enfants, maillons faibles de la société

Les violences et les agressions à l’encontre des femmes se multiplient. Sur les lieux de travail, les moyens de transport, la rue et au sein de la famille, la femme subit des violences morales, physiques, sexuelles et parfois économiques. Même les femmes âgées n’ont pas été épargnées et ont été violées chez elles.

Les enfants font également l’objet de violences aussi bien à la maison, à l’école que dans la rue. Une enfance parfois maltraitée, exploitée physiquement et même sexuellement, agressée et violentée.

Heureusement que ces violences sont souvent dénoncées dans les médias et les réseaux sociaux et les autorités réagissent généralement pour protéger les victimes et porter plainte contre les agresseurs.

Chaque année et durant 16 jours (du 25 novembre au 10 décembre) une campagne internationale de sensibilisation et de lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles est organisée sous l’égide des Nations Unis. A cette occasion, le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Personnes âgées mène des actions d’éducation et de sensibilisation auprès du grand public pour lutter contre ce phénomène de violence.

Des campagnes de sensibilisation à grande échelle, une mobilisation des ONG et de divers ministères… sont régulièrement organisées pour informer les victimes de leurs droits et prévenir les dépassements. Protéger les victimes, les prendre en charge et les aider matériellement et psychologiquement, sanctionner et juger les malfaiteurs responsables sont indispensables.

Prévenir et former notre jeunesse à l’empathie et au respect de nos semblables, de tous les êtres vivants qui nous entourent et de notre environnement d’une façon générale est primordial pour vivre en harmonie et profiter des bienfaits de la vie.

Les animaux ne sont pas épargnés

Dans cette ambiance de violence et d’agressions, les animaux ne sont pas épargnés. Chats et chiens surtout subissent de temps en temps des traitements cruels et inhumains. Ces agissements émanent parfois des autorités publiques comme les services municipaux qui abattent sauvagement dans la rue les chiens errants en les laissant agoniser dans des mares de sang.

Récemment, l’implication d’un grand laboratoire de recherche national, en collaboration avec un partenaire américain, dans des essais cruels sur des chiens Beagle pose de nouveau le problème de l’utilisation des animaux dans des expériences médicales et la nécessité d’encadrer de très prés ces recherches par des commissions d’éthique qui veillent au respect des règles du bien-être animal.

Le scandale des chiens abattus l’été 2020, dans la région de Djerba a violemment secoué et indigné tout le pays. Associations, groupes et réseaux sociaux ont dénoncé ces actes barbares et sanguinaires.

Les abandons des chiens et chats par leurs propriétaires est un acte criminel envers les animaux dont ils sont responsables et envers toute la société. Les supplices et les violences que subissent certains animaux comme l’empoisonnement des chats et la torture et les mauvaises conditions de détention et de vie de certains animaux de compagnie représentent des dépassements intolérables. Les enfants qui torturent les petits chatons dans un acte gratuit de sadisme sont à condamner et à punir sévèrement ainsi que leurs parents.

La maltraitance animale est souvent l’affaire des garçons plus que des filles. La femme, probablement suite à ses instincts de maternité, est plus sensible à la souffrance des animaux.

Lien étroit entre maltraitance animale et violence domestique

Depuis très longtemps les scientifiques ont montré que les personnes agressives envers les animaux le sont également envers l’être humain et commettent des agressions et des violences pouvant aller jusqu’à l’homicide prémédité.

Certaines personnes violentes agressent volontairement les animaux de compagnie de leur entourage comme moyen de pression et de contrôle des siens. Ils utilisent ces animaux pour intimider, punir et se venger de leurs partenaires. C’est d’ailleurs la signification du fameux proverbe de chez nous «Frappe la mariée, elle sera bien éduquée اضرب القطوسة تتربى العروسة».

Les enfants qui assistent à des scènes de violence conjugales sont généralement déstabilisés et connaitront des problèmes émotionnels. Ils ont tendance à reproduire ces violences sur les animaux et les humains. Généralement la violence commence sur les animaux domestiques puis, plus tard, sur les humains pouvant aller jusqu’à des tendances criminelles d’assassinat et de meurtres prémédités. Les enfants qui ont été eux-mêmes victimes de violence soit chez eux, à l’école ou ailleurs ou ont subi des agressions sexuelles, ont tendance également à montrer des comportements agressifs et violents.

Le lien entre maltraitance animale et santé mentale a été également démontré depuis longtemps. Un comportement violent envers les animaux est un indicateur d’un déséquilibre psychologique et de troubles psychiatriques. C’est le signe que la personne a subi des violences ou vit dans un environnement violent. L’étude de cas de tueurs en série aux Etats Unis à montré que ces individus avaient vécu dans un environnement violent et ont subi eux même des violences physiques, morales ou sexuelles.

Lutter contre la maltraitance animale

Lutter contre la violence domestique passe inévitablement par la lutte contre la maltraitance animale. L’enfant doit apprendre dés le jeune âge à respecter et aimer les animaux. On doit lui enseigner l’utilité des animaux, leur place et leur importance dans notre société. Il faut blâmer chez l’enfant tout comportement violent et développer chez lui l’empathie envers les animaux.

L’homme a une affinité innée pour le monde vivant en général et le monde animal d’une façon particulière. C’est son environnement qui peut transformer cette affinité en antipathie, maltraitance et cruauté envers les animaux.

Elever un petit animal domestique à la maison ou à l’école et laisser les enfants s’en occuper, le soigner et lui donner à manger permet à l’enfant de connaitre de prés le monde animal et d’établir des relations de sympathie, de compréhension, d’acceptation et de responsabilisation envers les animaux.

Il faut parvenir à expliquer à l’enfant la différence entre violences acceptées par la société et la maltraitance. La pêche des poissons, la chasse des animaux sauvages, l’abattage des animaux domestiques pour le commerce des viandes, l’abattage du mouton de l’Aïd… sont des pratiques autorisées par les religions et admises par toutes les sociétés. Il faut veiller toutefois à ne pas maltraiter les animaux et les exposer à des souffrances inutiles. Tuer des insectes nuisibles, des rongeurs … pour les risques que cela peut présenter sur la santé de l’homme est tout à fait légal et acceptable. Faire souffrir gratuitement un mouton, un chien, un chat, un oiseau ou tout autre animal inutilement est de la maltraitance à blâmer et à combattre sans aucune réserve.

Conclusion

Traiter la violence domestique et la maltraitance animale uniquement sur le plan réglementaire et faire une législation complète et répressive est insuffisant. Prévenir en éduquant les jeunes, les informer et les sensibiliser est plus important. Le rôle de la famille, des institutions éducatives, des associations et de la société civile est primordial.

Lutter contre les violences à l’encontre des femmes passe par l’égalité des sexes, l’information et l’éducation, l’autonomisation de la femme et l’engagement de toute la société et des médias.

La violence domestique est étroitement liée à la maltraitance animale. La lutte contre la maltraitance et la sensibilisation à la souffrance animale et le mal-être dés le jeune âge, à la maison, dans le milieu scolaire et dans la rue, permet de prévenir la violence domestique.

Il est nécessaire de réserver dans les programmes scolaires un espace beaucoup plus important réservé à l’écologie, la nature, les animaux, les plantes et sensibiliser les jeunes à la préservation de l’environnement et l’amour des animaux. Toute maltraitance répétée de la part de l’enfant doit être prise au sérieux et avertir les parents et les éducateurs sur un éventuel risque de frustration et de malaise pouvant conduire à des comportements violents.

Côtoyer un animal de compagnie procure de la joie et du bonheur et peut être même bénéfique sur un plan thérapeutique pour de nombreuses pathologies. Le chien en particulier interagit chaleureusement avec l’homme et possède la capacité de tisser des liens affectifs très forts. Il est doué d’une sensibilité exceptionnelle et d’une grande capacité de percevoir et d’interpréter les signaux humains.

Nous sommes tous concernés par la violence domestique qui s’accompagne de souffrances physiques et morales. Pour la collectivité, elle entraine des pertes économiques importantes dans les frais de soins et les incidences négatives sur le rendement au travail.

Enfin une excellente citation de Gandhi qui résume nos propos «On peut juger de la grandeur d’une nation et ses progrès moraux par la façon dont elle traite les animaux».

* Universitaire.

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