En s’emparant de tous les pouvoirs, Kaïs Saïed hérite aussi, par conséquent du passif de ses prédécesseurs et en est, désormais, d’autant plus comptable qu’il n’a, non seulement, toujours rien fait pour y remédier mais qu’il l’a, au contraire, aggravé avec l’incertitude causée par des projets politiques farfelus, formidables obstacles à l’instauration d’un climat de confiance propice à l’investissement.
Par Faik Henablia *
Lorsque vous faites un héritage, vous bénéficiez de l’actif mais devez aussi assumer le passif, ou alors, vous avez la possibilité, en cas de passif plus élevé, de renoncer au tout.
Les partisans de Kaïs Saïed essaient de défendre l’idée que leur champion n’est pas responsable de la situation de la Tunisie dont il hérite, résultat de dix ans de gestion chaotique, pour ne pas dire d’absence de gestion.
Saïed n’a pas de problème avec l’islamisme politique
Cette théorie aurait été recevable si l’action du 25-Juillet avait été suivie, dans la foulée, de mesures rapides, ou du moins d’une annonce de mesures destinées à corriger la situation. Or tel n’a pas été le cas, loin de là; si bien que l’on peut dire sans gros risque de se tromper que la situation a continué de se détériorer depuis le 25 juillet, ainsi qu’en témoignent plusieurs éléments.
Le premier est de pur principe car il s’avère de plus en plus évident que le combat de Kaïs Saïed est une lutte pour le pouvoir avec Ennahdha, non un combat contre l’islamisme politique, ainsi que le prouve amplement l’attitude du président de la république plus que complaisante vis-à-vis de l’Association des Oulémas musulmans fondé par le prédicateur jihadiste Youcef Al Qaradawi. Or c’est bien l’islamisme, avec qui Kaïs Saïed n’a manifestement pas l’intention d’en découdre, qui est à l’origine de la situation catastrophique du pays.
Une ignorance grave des urgences économiques
Le second est la désinvolture tragique vis-à-vis de l’économie, se manifestant par une lenteur coupable et dangereuse, doublée de cafouillages multiples et d’absence de transparence dans la gestion quotidienne. Sait-il que le pays doit rembourser près de trois milliards de US dollars (huit milliard et demi de TND) d’ici la fin de l’année? Sait-il qu’un budget doit être bouclé? Son dernier discours-feuille de route en est une illustration éclatante, dans lequel les dates sont choisies par pur symbolisme opportun, loin de répondre à l’extrême urgence de la situation. Ce n’est pas dans un an et après avoir perdu quinze mois, qu’il faudra agir, mais maintenant.
Le troisième est que la vision manichéenne de cet homme, doublée d’une nature secrète, hautaine et dédaigneuse, le conduit à ne faire confiance ni à déléguer à personne, pire, à exclure, par principe, tout interlocuteur ou partenaire potentiel, persuadé qu’il est du soutien du «peuple». A moins, tout comme Jeanne d’Arc, d’entendre de voix, l’on se demande d’où lui vient une telle certitude. Ce mépris devient franchement suicidaire lorsqu’ il englobe les agences de crédit ainsi que les bailleurs de fonds internationaux, au prétexte d’une vision éculée de la souveraineté; attitude déjà vue tant de fois sous d’autres cieux.
Un président dans sa bulle
C’est à croire que le président vit dans une bulle, totalement à l’écart des préoccupations du pays et entouré d’exécutants aux ordres, dont pas une tête ne dépasse.
En s’emparant de tous les pouvoirs, Kaïs Saïed hérite aussi, par conséquent du passif de ses prédécesseurs et en est, désormais, d’autant plus comptable qu’il a n’a, non seulement, toujours rien fait pour y remédier mais qu’il l’a, au contraire, aggravé avec l’incertitude causée par des projets politiques farfelus, formidables obstacles à l’instauration d’un climat de confiance propice à l’investissement.
Nul doute que ses partisans prendront prétexte de l’ampleur de la tâche, pour justifier une prise de pouvoir durable.
Il y a cependant fort à parier qu’un peuple à bout ne l’entendra pas de cette oreille.
* Ex-gérant de portefeuille associé.
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