Le club Durable de l’Association tunisienne des grandes écoles (Atuge)a organisé, le 16 décembre 2021, avec le soutien de la banque STB, une conférence à la Maison de l’Atuge sous le thème «Stress hydrique : quelles solutions pour la Tunisie ?».
Ont pris part à la conférence, qui a été modérée par Ziad Kadhi, membre du CA de l’Atuge et du Club Atuge Durable, Raoudha Gafrej, experte en eau, Hamadi Hebaib, directeur du bureau de la planification des hydrauliques du cabinet du ministère de l’Agriculture et des Ressources hydrauliques, Nabil Ben Khatra, secrétaire exécutif de l’Observatoire du Sahara et du Sahel (OSS) et Mohamed Zaara, directeur central à la Sonede, expert en dessalement de l’eau.
Associer l’eau à la question de la sécurité alimentaire
Mme Gafrej a commencé par donner un aperçu rapide de la réalité de l’eau en Tunisie : même avec les barrages pleins, la Tunisie se trouve dans une situation de pénurie d’eau absolue avec moins de 400m2 par habitant/an. D’autres critères sont alarmants comme la productivité de l’eau ou l’empreinte eau. Cette situation qui dure depuis plus de 30 ans s’est accompagnée par une dégradation de l’écosystème qui a impacté la disponibilité et la qualité de l’eau.
Mme Raoudha Gafrej a également expliqué la différence entre l’eau bleu (eaux retenues par les ouvrages hydrauliques et les nappes) et l’eau verte (eau retenue par le sol) et l’eau virtuelle (importée ou exportée à travers les échanges de produits agricoles). Elle a insisté sur la nécessité de traiter le problème de l’eau en considérant cet élément sous toutes ces formes, et en y associant étroitement la question de la sécurité alimentaire.
Améliorer la productivité de l’eau
M. Hebaib a présenté les solutions que l’Etat est en cours de mettre en place pour pallier au problème de l’eau. Le pays continue à construire des barrages pour les eaux conventionnelles. Pour les eaux non conventionnelles, des stations de dessalement sont aujourd’hui installées et d’autres sont en vue, ce mode de production ayant été qualifié de «mal nécessaire» vu le coût de l’investissement.
Seules 8% des eaux usées traitées sont utilisées en raison d’un problème de qualité et de confiance alors que par exemple 100% de l’eau potable provient du traitement des eaux usées à Singapour. Un changement de culture est nécessaire à ce niveau.
Une carte d’orientation agricole est en cours d’élaboration par rapport à l’exploitation des ressources en eau; 3 spéculations ont été notamment retenues pour améliorer la productivité de l’eau (céréales dans le nord, olivier dans le centre et les dattes dans le sud).
Une stratégie de l’eau à l’horizon 20
M. Hebaieb a insisté aussi sur l’importance de réformer la réglementation sachant que le code de l’eau est encore bloqué au niveau de l’ARP; notamment pour revoir les infractions des sondages illicites.
Une étude sur la stratégie de l’eau à l’horizon 2050 a été lancée en 2019 ; son achèvement est prévu pour 2022. La mise en œuvre de son plan d’actions nécessitera la levée de fonds importants vu le coût du financement de cette stratégie.
M. Ben Khatra a réalisé un benchmark par rapport aux pays de l’Afrique. Il a souligné que la Tunisie est un pays conjoncturellement marqué par la sécheresse depuis bien longtemps au même titre que les pays de l’Afrique du nord; la situation de la Tunisie est similaire à celle de l’Algérie alors qu’elle est catastrophique pour la Libye. Il a mis en exergue l’expérience de la Tunisie dans la gestion de l’eau depuis plusieurs décennies, en se distinguant notamment par la construction des barrages. La situation est certes grave mais des solutions existent sauf qu’il faut passer à un rythme accéléré d’exécution vu l’aggravation rapide de la situation. Avoir de bonnes relations avec les pays voisins est aussi stratégique dans la gestion de l’eau.
Economie et valorisation de la ressource eau
M. Ben Khatra a par ailleurs insisté sur la nécessité d’optimiser l’exploitation de l’eau par rapport aux spéculations agricoles, et surtout de porter la question de l’eau à un plus haut niveau des débats publics. Il s’agit d’une question de souveraineté nationale qui doit être débattue par tous les acteurs.
M. Zaara a présenté les projets de stations de dessalement en Tunisie en indiquant qu’aujourd’hui, la capacité installée est de 250 milles m3 d’eau/jour, celle-ci provient de 4 stations dont celle de Djerba déjà en service (50 milles m3/jour).
Il a insisté sur l’importance du benchmarking pour voir quelle direction prendre, tenant compte des contraintes et de la réalité tunisienne, notamment par rapport à la possibilité de donner des concessions au privé pour l’exploitation des stations de dessalement, comme c’est le cas en Algérie.
Ziad Kadhi, en tant que modérateur, a conclu que la Tunisie n’est pas uniquement sous stress d’eau mais plutôt en pénurie d’eau. La sécurité hydrique fait désormais partie de la sécurité nationale et le changement du paradigme d’eau est plus que nécessaire avec un changement de politiques nationales mais aussi de comportement du consommateur, auxquels doivent contribuer tous les acteurs nationaux, a-t-il ajouté. Et de conclure : il n’est plus question uniquement d’économie d’eau mais plutôt de valorisation de chaque m3 existant et/ou consommé.
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