Tout le monde se lamente de voir nos jeunes médecins tunisiens s’expatrier par milliers en France, en Allemagne, en Suisse et en Belgique où ils apportent leurs compétences et leur force de travail, reconnues de tous. Pourtant ce n’est pas de gaieté de cœur que nos élites médicales prennent le chemin de l’exil pour des salaires qui restent relativement modestes et des conditions de séjour et de travail marquées par l’islamophobie et les entraves au regroupement familial.
Par Sémia Zouari *
Dans la course d’obstacles à l’accès à une carrière médicale dans un pays européen, il y a le fameux concours d’équivalence et la recherche d’un poste auprès d’un chef de service disposé à accueillir un médecin tunisien.
A cet égard il faut rendre hommage à la bienveillance des médecins français d’origine tunisienne (en majorité de confession juive) qui ont gardé l’amour de leurs racines et n’ont cessé depuis des décennies d’accueillir et d’encadrer nos jeunes médecins avec sollicitude et respect.
L’attitude indigne des patrons locaux
Quant à la principale cause de l’expatriation de nos médecins il ne faut pas la restreindre aux faibles salaires si peu compatibles avec le long et difficile cursus médical, aux mauvaises conditions logistiques d’hôpitaux dénués de tout, à l’agressivité des familles des patients.
Il faut plutôt la rechercher en premier lieu dans l’attitude indigne d’un certain nombre de chefs de service hospitaliers qui font barrage à la carrière des jeunes médecins notamment en bloquant leur accès à la fonction d’assistant universitaire, de professeur agrégé, en multipliant les comportements irrespectueux et vexatoires, en refusent de les encadrer et de leur montrer le travail, en les excluant des stages et séminaires de formation, de peur de les voir rivaliser avec eux et les supplanter.
Plus encore, nos jeunes médecins sont choqués de voir leurs patrons refuser de sanctionner les paramédicaux ripoux qui s’absentent et dorment pendant les horaires de travail en raison de leurs nombreuses vacations dans le secteur privé. Sans compter que nombreux de ces paramédicaux volent impunément les médicaments et le matériel indispensables au bon fonctionnement de nos hôpitaux et s’offrent le luxe de rançonner et d’escroquer les malades et de manquer de respect aux jeunes médecins, de refuser d’obtempérer à leurs instructions, toujours en toute impunité, grâce à la couverture d’un syndicat tout aussi complaisant que les patrons.
Un service public ruiné
La véritable raison de cette attitude immorale de nombreux patrons des services hospitaliers résulte d’un accord tacite avec les paramédicaux qui leur servent de rabatteurs pour leur activité privée complémentaire (APC) au détriment du service hospitalier public réduit à portion congrue pour la population la plus vulnérable.
Toute honte bue, des chefs de service cupides passent toute leur journée à pratiquer cette odieuse APC qui a ruiné le service public, désertant leur service, délaissant les patients et laissant les jeunes médecins livrés à eux-mêmes.
La honte et le déshonneur à ces seniors qui ont violé leur serment d’Hippocrate en cédant à la tyrannie et à la convoîtise et qui ont ruiné un secteur hospitalier public qui était notre fierté.
Inutile de citer des noms car il existe heureusement encore des médecins et des paramédicaux honnêtes et patriotes qui honorent leur profession et leur pays. Chacun s’y reconnaîtra et nos jeunes médecins en exode ont chacun l’histoire d’un caïd corrompu et tyrannique qui les a dégoûtés de leur travail et les a jetés sur le chemin de l’exil.
A bon entendeur !
* Diplomate.
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