Nous reproduisons ci-dessous la note relative à la Tunisie dans le Rapport d’information sur les enjeux de défense en Méditerranée, déposé le 17 février 2022 par la Commission de la Défense nationale et des Forces armées à l’Assemblée nationale française, et présenté par les députés Jean-Jacques Ferrara et Philippe Michel-Kleisbauer. *
Dix ans après l’onde de choc provoquée par les «printemps arabes», la situation interne des pays de la rive Sud demeure dans l’ensemble fragile, en raison d’un ensemble de facteurs souvent communs : instabilité politique; tensions sociales sur fond de pression démographique et de chômage endémique, notamment des jeunes; situation sécuritaire dégradée avec un risque terroriste persistant, bien qu’affaibli.
Dix ans après le soulèvement du peuple tunisien ayant conduit, en 2011, à la chute du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali, à la tête du pays depuis 1987, la situation politique en Tunisie demeure cependant très précaire. Dans un contexte de paralysie des institutions politiques, le président Kaïs Saïed a décidé en juillet 2021 d’invoquer l’état d’exception, de suspendre l’Assemblée des représentants du peuple et de limoger le chef du gouvernement. Ce coup de force institutionnel a provoqué une crise politique majeure avec le parti islamiste Ennahdha, première force politique du pays. L’arrestation en janvier 2022 d’un des leaders du parti islamiste pour «soupçons de terrorisme» fait craindre une radicalisation du conflit politique.
Cette paralysie politique se double d’une crise financière, qui se caractérise par l’incapacité des autorités tunisiennes à finaliser son budget 2022 sans un soutien du Fonds monétaire international (FMI). Cette crise financière intervient dans un contexte de forte crise économique, près de 20% de la population se trouvant au chômage, ce taux dépassant 40% parmi les jeunes de 15 à 24 ans. Les tensions sociales sont également vives, comme en témoignent les émeutes qui ont éclaté dans plusieurs villes du pays en janvier 2018 et janvier 2021.
Sur le plan sécuritaire, la menace terroriste s’est très fortement réduite depuis 2016 : 16 personnes ont été victimes du terrorisme djihadiste en Tunisie depuis 2016, contre 214 entre 2011 et 2016. La Tunisie est toutefois encore confrontée à la présence sporadique de groupes terroristes dans le sud du pays et dans le Djebel, tel que le groupe algéro-tunisien Jund Al-Khilafah, affilié à l’État
islamique, ou la katiba Okba Ibn Nafi, affilié à Aqmi. Selon le comité contre le terrorisme de l’Onu, la Tunisie est en outre le premier pourvoyeur de combattants djihadistes, en proportion de sa population, sur les théâtres irakien, libyen et syrien, avec quelque 6 000 combattants recensés.
Dans ce contexte de crise politique et économique, plusieurs personnes auditionnées ont alerté les rapporteurs sur le risque d’une déstabilisation majeure du pays et, par conséquent, de son environnement régional.
* Le titre de l’article est celui figurant dans le rapport.
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