Le samedi 5 mars 2022 s’est tenu à Ezzahra, dans la banlieue sud de Tunis, un événement spécial à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, célébrée le 8 mars de chaque année : une expo-vente pour mettre en avant les artisanes qui luttent pour une autonomisation socio-économique.
Dans le cadre de la campagne d’Oxfam sur la reconnaissance des travaux de soins non rémunérés, 15 artisanes de différentes régions de la Tunisie (Tabaraka, Medenine, Metouia, Jerba, Kebili, Ain Drahem), se sont réunies à cette occasion dans le petit jardin à Ezzahra Lycée pour commercialiser leurs produits d’artisanats et de terroirs : articles décoratifs, bijoux, couffins, sets de table en osier, miel, zrir, huiles pour cheveux, huiles essentielles, eaux de rose,…
En plus de la qualité des produits présentés, s’ajoute la symbolique de leurs commercialisations. La professionnalisation de leurs métiers d’artisane permet à ces femmes de créer une source de revenu pour elles, pour leurs familles, mais également recruter de la main d’œuvre dans leurs régions.
Malika Bedoui, à titre d’exemple, crée des couffins et des tapis traditionnels. Grâce à l’appui d’Oxfam et ses partenaires, elle est actuellement à la tête d’une micro entreprise qui emploie 7 femmes et se sent très fière de son parcours.
Ces femmes artisanes doivent souvent travailler leurs produits en parallèle de toutes les tâches domestiques et de soins à leurs proches (enfants, personnes âgées ou malades dans leurs familles et quartiers). En effet, le travail des soins en Tunisie représente pour les femmes de régions rurales environ 9 heures par jours (une heure de plus que les femmes en milieu urbain, contre 45 minutes pour les hommes).
Etant donné que la prise en charge des enfants limite la possibilité pour les femmes d’accéder à des activités sur la place publique, l’événement d’Ezzahra incluait un grand espace couvert avec des animations pour les enfants.
Un graffiti de Blech Esm sensibilise sur les droits des femmes
Une autre surprise de taille a accompagné l’expo-vente: la présentation du graffiti de Blech Esm, un groupe d’artistes activistes qui, à travers leurs art, en plus de donner vie aux mur, parviennent à sensibiliser le public aux thèmes d’intérêt.
Les graffitistes ont réalisé une fresque géante sur le mur d’un immeuble à Ezzahra à côté de la place où s’est déroulée l’expo-vente. Le graffiti géant met en exergue l’inégalité que subit les femmes dans leurs quotidiens, où elles sont considérées comme responsables de la maison et de leurs proches, et sollicitées tout le temps pour ces tâches, au détriment de leur santé mentale et physique.
Selon une étude réalisée par l’organisation Oxfam en Tunisie, les femmes sont amenées à réaliser plus de 80% de la charge des travaux de soins non rémunérés dans les foyers.
Blech Esm ont essayé, à travers ce graffiti, de mettre en avant cette injustice sociale et économique. On voit par exemple dans leur fresque une femme qui essaye d’étudier ou de travailler et à qui on demande «Où est ma paire de chaussures». Il y a un autre graffiti avec une femme qui croule sous la paperasse, entourée de 3 enfants qui lui disent «donne moi à manger», «aide moi pour mes devoirs», «mets moi au lit pour dormir»… Malheureusement, en 2022, le travail des soins continuent à restreindre les possibilités de s’épanouir et évoluer professionnellement. Il est alors légitime de ce demander : travail sans contrepartie, pourquoi? (en arabe «5edma Bou blech, 3lech»).
Ce genre d’initiatives lancées par Oxfam sont importantes, parce que c’est en participant à faire changer les mentalités, les pratiques et les politiques en faveur d’une justice de genre, que les choses pourraient changer petit à petit.
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