Sofiane Bouhdiba, professeur de démographie à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis, vient de consacrer un ouvrage biographique à son père (et professeur), «Abdelwahab Bouhdiba : L’enfant de Kairouan» (éditions L’Harmattan, Paris, 2022), le célèbre sociologue ayant lui-même enseigné tout au long de sa carrière à la même Faculté, publié de nombreux ouvrages de référence et formé plusieurs générations d’enseignants et de chercheurs en sciences humaines.
Ce livre est d’abord un hommage au sociologue tunisien de réputation mondiale, disparu en le 17 décembre 2020. Il se veut également un outil pour le chercheur ou l’étudiant en sciences humaines et sociales qui souhaite approfondir ses connaissances en matière de sociologie maghrébine.
Le livre contient deux grandes parties, à peu près équilibrées. La première, organisée autour de sept chapitres, s’apparente à une biographie détaillée – parfois romancée – de Abdelwahab Bouhdiba, suivant pas à pas son parcours depuis sa naissance sous le protectorat français à Kairouan, jusqu’à son accès à de hautes fonctions académiques à Beit al Hikma ou à l’Unesco, en passant par la dure expérience universitaire de Janson de Sailly.
Un apport original à la pensée sociologique
La deuxième partie du livre, également partagée en sept chapitres, est davantage orientée vers l’œuvre monumentale du sociologue. Elle examine d’une manière méthodique les principales thématiques traitées par le professeur Abdelwahab Bouhdiba, et en particulier l’émancipation de la femme arabe, la sexualité en islam, les paradoxes de la famille nucléaire maghrébine, les perspectives de l’islam politique, et plus récemment l’histoire sociale du parfum dans le monde arabe.
Il s’agit notamment de mettre en valeur l’apport original de Abdelwahab Bouhdiba dans la pensée sociologique maghrébine moderne, et de réfléchir sur l’héritage qu’il lègue aux générations futures. Et qui mieux que son fils et disciple pour effectuer ce travail nécessaire, non seulement pour faire vivre la mémoire d’un grand penseur parmi la génération d’enseignants et de chercheurs qui n’ont pas eu le privilège de le côtoyer et de recevoir son enseignement, mais aussi pour faire revivre cet enseignement.
Des personnalités scientifiques de premier plan, telles que Gaston Bachelard, Edgar Morin, Paul Ricœur ou Sleïm Ammar, qui ont toutes à un moment ou un autre, croisé la destinée de Abdelwahab Bouhdiba, apparaissent également d’une manière éparse dans l’ouvrage.
Une dette personnelle
Enfin, le lecteur trouvera tout au long des pages de ce livre quelques photographies en noir et blanc inédites du professeur Abdelwahab Bouhdiba, issues des archives familiales. Ce qui donne à cet ouvrage une dimension à la fois scientifique et personnelle, l’auteur ayant une dette personnelle envers celui qui avait accompagné ses premiers pas d’homme et de chercheur, rigoureux et exigeant.
Cet ouvrage est le 17e publié par le professeur Sofiane Bouhdiba, mais à ce jour il a toujours écrit en employant la première personne du pluriel. Il se conformait à ce que ses maîtres lui ont appris, l’idée étant de donner plus de prestige au texte. Pour la première fois, Sofiane Bouhdiba emploie ici la première personne du singulier, un «je» humble lui semblant davantage respectueux envers la personnalité de son père et mentor.
Enfant, Sofiane Bouhdiba avait découvert progressivement que son père n’était pas une personne ordinaire. Plus tard, il a compris que son grand-père était lui aussi un personnage hors du commun, un intellectuel et un humaniste. Il commence également à comprendre que c’est à Kairouan, dans un mystérieux quartier du nom de Bab El-Qidda, que tout avait commencé.
Assurément, les sciences humaines sont une affaire de famille chez les Bouhdiba et ce, depuis le XVIIIe siècle. Suivant une longue tradition familiale, le professeur Sofiane Bouhdiba a bien tenté de suivre les pas de son père. Mais les géants ont ceci de particulier qu’une vie ne suffit pas pour faire un seul de leurs pas…
L’auteur conclue l’hommage à son père avec les propres paroles de ce dernier qui résonnent encore dans son esprit, et qu’il lui arrive encore souvent de méditer longuement : «Une recherche sociologique quelle qu’elle soit ne se réduit jamais à une pensée du social. C’est une pensée sociale. Mieux encore, elle est un acte social. Elle participe à l’histoire en acte. Une épistémologie consciente des rapports de la sociologie avec son environnement refusera de s’enfermer dans une coupure épistémologique quelconque.»
Sofiane Bouhdiba a enseigné dans de nombreuses universités en Europe, en Afrique et aux Etats-Unis, et participé à un grand nombre de conférences internationales sur diverses thématiques liées à l’étude des populations, et notamment la mortalité.
Consultant international aux Nations Unies, spécialiste de la mortalité, il a écrit de nombreux livres et plusieurs dizaines d’articles scientifiques en français et en anglais, publiés dans des revues internationales.
Il est membre de nombreuses sociétés scientifiques internationales, telles que l’Association internationale des démographes de langue française (Aidelf), l’American Institute of Maghrebian Studies (AIMS), l’African Studies Centre Community (ASC), le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria), la Population Association of America (PAA), l’Arab Council for the Social Sciences (ACSS), l’Union des études de la population africaine (UEPA), l’Union internationale pour l’étude scientifique de la population (UIESP) et l’African Studies Association (ASA).
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