Abir Moussi, la présidente du Parti destourien libre (PDL), a décidé de placer encore plus haut la barre de ses ambitions et de celle de sa formation politique. Invitée hier, 22 mars 2022, de ‘Rendez-vous 9’ d’Attessia, elle s’est attaquée à un gros morceau, le président de la république Kaïs Saïed. Parions que cette dame de fer n’en démordra pas. Elle a tracé sa voie et elle n’en déviera pas. La partie se corse pour le Chevalier d’El-Mnihla. Mme Moussi a une grande détermination et une ‘grinta’ que nul autre politique tunisien ne possède…
Par Moncef Dhambri
Abir Moussi a construit, quasiment toute seule, ce qui fait de sa personne la redoutable chasseresse qu’elle est et de son PDL une garantie de réussite électorale, puisqu’il est donné largement en tête des législatives par tous les sondages d’opinion. Qu’on l’aime ou pas, l’avocate a le mérite de la clarté, elle est réaliste, studieuse, appliquée et concentrée au plus haut point. Contre vents et marées, elle a récupéré, sauvé, «customisé», en quelque sorte, et optimisé les héritages de Bourguiba et de Ben Ali, pour s’installer sur les devants de scène en tant prêtresse de l’anti-Ennahdha, la succursale tunisienne des Frères musulmans. Gare à celui qui oserait lui entraver cette voie de sa lutte jusqu’au-boutiste contre le parti islamiste tunisien et son président Rached Ghannouchi, contre Al-Karama de l’agitateur islamiste Seifeddine Makhlouf et autres Hizb Ettahrir. Elle dézingue tout ce monde-là et plus s’il le faut.
«Kaïs Saïed a peur d’Ennahdha»
Cette fois-ci, c’est le locataire du Palais de Carthage qui en a pris pour son grade car, selon la présidente du PDL, «il n’a pas tenu sa promesse de mettre complètement les ‘kwanjia’ hors d’état de nuire». Elle accuse sans aucun ménagement le Chevalier d’El-Mnihla : «Il a peur d’eux. Regardez bien, après un court passage à vide pendant lequel ils se sont terrés, ils ont repris du poil de la bête, ils ont réussi à renaître de leurs cendres… Bref, à s’y prendre comme il l’a fait, il leur a rendu un grand service. Qui est-ce qui peut me garantir qu’il n’est pas un des leurs?».
Cette bonne question, Abir la Chasseresse l’a posée hier, mardi 22 mars 2022, sur le plateau de ‘Rendez-vous 9’. Et, pendant les 45 minutes que l’émission lui a accordées, la dame de fer du PDL a pu dérouler calmement son discours. L’animatrice Malek Beccari et les contributeurs de l’émission-phare d’Attessia (nos confrères Néji Zaïri, Lotfi Laamari et Khalifa Ben Salem) ont écouté pratiquement sans broncher. Il n’y avait rien à redire ou elle avait beaucoup à dire et ne leur laissait pas le temps de réagir. Abir Moussi était entière : dans son assurance, sa pertinence et sa faconde, voire son élégance. Sa verve intimiderait le plus loquace des contradicteurs.
M. Saïed, vous savez à présent à quoi vous en tenir : vous avez cherché Abir Moussi, en mettant en doute l’indépendance de la Tunisie et minimisé le rôle de son artisan, Habib Bourguiba, et elle a répondu présente à votre provocation, déballant tout et prenant le téléspectateur à témoin : «Méfions-nous, ce gestionnaire des affaires courantes du pays [Kaïs Saïed, ndlr], qui a usurpé tous les pouvoirs, est en train de se jouer des Tunisiens. Il est en train de profiter de leur impatience et de leur vendre des illusions.»
C’est la première banderille. Il y en aura plusieurs autres car, hier soir, Abir Moussi était chauffée à blanc contre le «pouvoir-voyou» et les erreurs commises, selon elle, par Kaïs Saïed se ramassent à la pelle : promettre d’en finir avec Ennahdha et rétropédaler sur cette question cruciale pour les PDListes; «saisir tous les pouvoirs pour n’en faire absolument rien»; «organiser une consultation nationale –qui est d’ailleurs un échec cuisant– avec l’argent du contribuable pour servir son projet politique personnel»; «décider d’une conciliation fiscale pour remplir les caisses vides de l’Etat»; «programmer d’organiser un référendum et des élections anticipées, encore une fois avec les deniers publics et en dehors de tout cadre légal»; «avoir tout faux, sur tout et de bout en bout, dans la lecture de la Constitution», «enfoncer le pays dans la crise économique et sociale», etc.
«Les hommes de droit ont peur de Kaïs Saïed»
Abir Moussi n’en finit pas, elle n’en finirait pas de planter ses banderilles. Et lançant le défi à Kaïs Saïed sur le terrain préféré de ce dernier, elle s’interroge : «Dites-moi, s’il vous plait, où sont passés nos brillants juristes et nos hommes de droit. Qu’ils expriment leurs opinions sur ce que cet usurpateur est en train de faire ! Tout ce qu’ils savent faire c’est soit s’éclipser, refuser d’assumer leurs responsabilités ou arrondir les angles parce qu’ils ont peur de lui [M. Saïed, ndlr].»
D’ailleurs, à ce propos, la présidente du PDL a lancé un avertissement à l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie) : «Je vous [les membres de l’Isie, ndlr] conseille de ne pas céder à ses caprices [de M. Saïed, ndlr] en organisant le référendum du 25 juillet 2022. Méfiez-vous, je vous l’ai dit et je le répète, je vous traînerais en justice et vous en paieriez tous le prix le plus fort!»
Voilà, le décor est planté pour ce qui nous attend, pour les quatre mois à venir. Les couteaux sont aiguisés et la plèbe est là pour applaudir les protagonistes et assouvir ses pulsions violentes. Les gladiateurs se sont entraînés. Ce sera un véritable jeu de massacre que l’on n’aura pas le droit de rater.
Tunisie, tu pleures ? Ce sont tes enfants. Ils sont cons, tous des cons. Ils ont «dégagé» Ben Ali. Là, ils ne savent pas quoi faire de leur jouet démocratique. D’ailleurs, ils ne savent plus faire quoi que ce soit. Il suffit de voir l’état catastrophique où se trouve aujourd’hui la Tunisie pour être édifié sur l’incompétence et la stupidité collectives des Tunisiens.
La Tunisie post-2011 est l’illustration la plus éloquente du gâchis d’une «démocratie» offerte à ceux qui ne la méritent pas !
* Universitaire à la retraite et journaliste.
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