Nizar Chabbi nous a fait parvenir ce texte, co-écrit avec Audrey Bomse, avocate juive américaine de Floride, publié une première fois en mai 2014, et réécrit récemment, où il évoque les dessous peu ragoûtants du pèlerinage juif à la synagogue de la Ghriba, à Djerba, en Tunisie. La normalisation du président Kaïs Saïed, le plus antisioniste des Tunisiens, avec l’entité sioniste est en marche !
Par Audrey Bomse (avec Nizar Chabbi)
Je suis une avocate juive-américaine progressiste, qui a toujours été intéressée par la Tunisie, particulièrement, depuis que j’ai pris part à une délégation juridique de solidarité avec le pays peu de temps après sa révolution. Je vous écris pour vous apporter un autre éclairage à propos du pèlerinage annuel dit «juif» à la synagogue historique Ghriba, et le cadeau octroyé par les autorités tunisiennes encore une fois aux «pèlerins» sionistes !
Ayant travaillé pendant sept ans comme avocate des droits de l’homme en Palestine, je connais assez la façon dont la colonisation israélienne de la Palestine est justifiée par le symbolisme religieux juif. Il est peu probable que les Tunisiens soient conscients de la façon dont la fête juive mineure de Lag BaOmer, le jour où commence ce pèlerinage, a été utilisée par Israël pour promouvoir le militarisme et l’expansionnisme sioniste.
Le gratin tunisien au «diner du CRIF» à la sauce tunisienne
Je n’avais jamais entendu parler de ce pèlerinage annuel à Djerba. N’étant pas une juive pratiquante, j’ai demandé à des amis juifs pratiquants aux États-Unis, au Canada, au Royaume-Uni et en France, et aucun d’entre eux n’était au courant de ce pèlerinage. J’ai ensuite effectué quelques recherches et il semble que ce pèlerinage – la plupart du temps effectué par des Israéliens et des Juifs originaires de Tunisie – ait lieu durant la fête de Lag BaOmer, 33 jours après le début de la célébration de la Pâque juive (Pessah).
En Israël moderne, Lag BaOmer est devenu un «symbole de l’esprit combattant juif» et est associé à l’éclairage des feux et des pèlerinages à Meron, un village au nord d’Israël. Israël a utilisé ce jour pour promouvoir le militarisme sioniste.
La division Palmach de la Haganah (la force d’élite de combat de l’armée clandestine de la communauté juive qui, en 1948 a commis le nettoyage ethnique en «luttant» pour établir le projet colonial sioniste) a été établi le jour de Lag BaOmer en 1941 !!!
Il est à noter que ladite division Palmach a pris part au massacre de Deir Yassine en avril 1948, prêtant ainsi main forte aux troupes de l’Irgoun et du Lehi qui peinaient à prendre possession du village ! L’ordre du gouvernement qui a créé l’Armée Israélienne (FDI), qui a été reconnue coupable de crimes de guerre et de possibles crimes contre l’humanité, selon plusieurs rapports de l’Onu, a été publié le jour de Lag BaOmer en 1948 !
Depuis 2004, le gouvernement israélien désigne Lag BaOmer comme journée pour saluer les réserves militaires de Tsahal !!
Une énième provocation pour le peuple tunisien
Par conséquent, il est opportun de se demander, au-delà de toute la propagande orchestrée autour de cet évènement, si cette journée devrait être célébrée en Tunisie, et si surtout il est approprié que le gratin de la politique tunisienne se bouscule à ce «diner du CRIF» à la sauce tunisienne ?!
Il est triste qu’en ce jour, où l’encre de l’acte de décès de la journaliste palestinienne Shireen Abu Akleh, qui a été exécutée quasi en direct par les forces d’occupation sionistes, n’est pas encore sèche, et que les tombes des 16 Palestiniens tués la semaine précédente, dont une mère de 4 enfants a été exécutée en direct par la même armée d’occupation devant les caméras de toute la planète, le mal-nommé gouvernement tunisien autorise la manifestation sioniste affirmée et revendiquée dite du «pèlerinage de la Ghriba», qui n’est autre qu’une énième provocation pour le peuple tunisien !
Ceci est d’autant plus étrange lorsqu’on se rappelle que Najla Bouden, aussi francophone qu’elle soit, est incapable de reconnaître le sieur Hassen Chalghoumi et les innombrables outrages qu’il a fait subir à la langue française depuis des années, que même les médias tricolores les plus complaisants n’osent plus l’inviter ! Ce type est une telle HONTE que les personnalités politiques françaises les plus islamophobes et les plus racistes évitent désormais de se montrer en sa présence ! Mais il semble que notre Première ministre, tout aussi francophone qu’elle veuille se montrer, n’en ait pas la moindre idée !!
L’anti-sioniste Kaïs Saïed normalise avec Israël
Ceci est encore plus étrange, que l’étrange personnage qui nous sert de président absolu, Kaïs Saïed pour ne pas le nommer, et qui fut élu pour la seule déclaration que «التطبيع خيانة عظمى» (la normalisation avec l’entité sioniste est une trahison suprême) semble adouber l’exacte contraire de ce qu’il a déclaré.
Ceci est encore plus étrange que des personnages aussi sulfureux que le dénommé «Charly Perez», un sioniste fier et revendiqué, puisse se pavaner, avec une arrogance assumée et revendiquée dans un hôtel de Djerba et narguer la nation tunisienne en ces jours de deuil où l’armée du pays qu’il chérit tant vient à peine d’assassiner en direct l’une des icones journalistiques de la lutte des Palestiniens contre l’apartheid!
Il est triste qu’en ce jour où les sociétés civiles et les justices de beaucoup de pays naguère alliés inconditionnels d’Israël se mettent à boycotter Israël et même à émettre des jugements par contumace à l’égard de militaires et de responsables israéliens auteurs de crimes, que la Tunisie officielle, ayant à sa tête un dangereux autiste à l’oubli facile, et une pseudo-technocrate francophone ignorant les moindres b-a-ba des évolutions du paysage médiatique français, et qui navigue à contre-courant !, puisse prendre de telles décisions !
L’histoire récente du monde regorge d’exemples d’intimidation de ceux qui ne supportent pas Israël et ses politiques en sonnant l’alarme de l’antisémitisme. En tant qu’Américaine de confession juive, je suis (ainsi que d’autres personnalités de renom aux USA) régulièrement attaquée et traitée de «self-hating jew», terme quasi-générique que les relais de la politique israélienne dans mon pays brandissent tel une arme pour discréditer et faire taire toute voix discordante surtout si elle émane de la communauté juive.
De nombreux Tunisiens s’opposent au tourisme israélien
Les Tunisiens devraient rejeter cette confusion de l’antisémitisme (ce qui signifie préjugés contre/ou la haine des Juifs) avec l’antisionisme (qui signifie l’opposition au sionisme, un nationalisme ethnique qui soutient un État-nation juif sur le territoire maintenant connu sous le nom d’Israël, mais était autrefois la Palestine historique). Il y a beaucoup de juifs dans le monde qui s’opposent aux politiques et pratiques d’Israël et un nombre croissant – y compris moi-même – qui ne soutiennent pas l’existence d’un État juif.
J’ai rencontré de nombreux Tunisiens qui s’opposent au tourisme israélien non pas parce qu’ils sont antisémites, mais parce qu’ils soutiennent les droits de l’homme et les aspirations nationales du peuple palestinien ! Même s’ils ne connaissent pas cette histoire spécifique du «pèlerinage juif» à Djerba, ils savent que le symbolisme juif a été utilisé dans le passé pour justifier les crimes d’Israël contre le peuple palestinien.
La normalisation avec Israël peut être opposée dans un pays où les musulmans et les juifs continuent à vivre ensemble en harmonie.
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