Pour stabiliser les prix et contenir l’inflation, on a généralement tendance à baisser le taux directeur, surtout lorsque la croissance est atone et le taux de chômage très élevé et que l’urgence est à la relance de l’investissement et à la reprise de la croissance, comme c’est le cas dans notre pays depuis 2011. Pour stabiliser les prix et contenir l’inflation, on a généralement tendance à baisser le taux directeur, surtout lorsque la croissance est atone et le taux de chômage très élevé et que l’urgence est à la relance de l’investissement et à la reprise de la croissance, comme c’est le cas dans notre pays depuis 2011. Pourquoi alors la Banque centrale de Tunisie (BCT) continue-t-elle à faire l’exact contraire de ce qui est attendu d’elle ?
Par Amine Ben Gamra *
La BCT a annoncé , la semaine dernière, le relèvement de son taux directeur de 0,75 point pour le porter à 7% et le taux de rémunération de l’épargne de 1 point à 6%. Mais contrairement à ce que déclarent ceux qui ont décidé cette hausse, ses conséquences vont être désastreuses pour notre pays à plusieurs égards.
Une combinaison explosive
D’abord, du côté des ménages, la hausse du taux directeur entraînerait une hausse des taux d’intérêt des banques. Résultat, l’accès au crédit serait plus difficile car plus cher, ce qui ralentirait la consommation. C’est le même schéma qui s’opèrerait du côté des entreprises puisqu’un renchérissement du coût du crédit découragerait l’investissement, qui marquait déjà le pas depuis au moins une décennie.
En revanche, cette remontée des taux serait avantageuse pour les épargnants puisqu’ils bénéficieraient d’une meilleure rémunération. Est-ce à dire que cela encouragerait l’épargne, elle aussi à son plus bas taux depuis trois décennies ? Rien n’est moins sûr…
En réalité, et alors que les ménages tunisiens voient leur pouvoir d’achat plombé en raison des vagues sévères et intenses de hausses des prix qui ont détruit aussi bien la consommation que l’épargne et l’emploi et, en conséquence, le pouvoir d’achat de la population, creusant ainsi de manière spectaculaire le fossé des inégalités sociales.
Pour les finances de l’Etat, la combinaison des taux d’intérêt élevés, d’une faible croissance du PIB (entre 1 et 2% depuis une décennie), d’un taux de chômage élevé (dépassant 17%) et d’une dette publique croissante est insoutenable (dépassant désormais 100%) serait explosive.
Une spirale inflationniste incontrôlable
En effet, lorsque les prix augmentent, les salariés sont généralement amenés à réclamer une revalorisation de leurs rémunérations, auquel cas les bénéfices des entreprises vont se réduire, ce qui va les inciter à augmenter leurs prix et les dissuader d’investir. Les ménages réclameront alors une nouvelle revalorisation, menant à une nouvelle augmentation des prix, et ainsi de suite.
Notre banque centrale ne s’aperçoit-elle pas qu’elle cause elle-même l’inflation de notre économie qu’elle a pour mission de combattre : hausse de l’inflation, flambée des prix, augmentation des salaires et renchérissement des tensions sociales face à une spirale inflationniste devenue quasiment incontrôlable ? C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux, et on y est piégés depuis un certain temps.
Ainsi donc, et suite à la décision de la BCT d’élever le taux directeur, on se trouve face au risque d’une crise de la dette, d’une récession et de krachs en série.
La BCT méconnait-elle les mécanismes de l’inflation et les façons dont elle se manifeste et les distortions monétaires dont elle s’alimente dans un marché libre? Ou estime-t-elle qu’elle n’a pas d’autre choix ?
Ce que l’on sait en revanche, c’est que pour stabiliser les prix et contenir l’inflation, on a généralement tendance à baisser le taux directeur, surtout lorsque la croissance est atone et le taux de chômage très élevé et que l’urgence est à la relance de l’investissement et à la reprise de la croissance, comme c’est le cas dans notre pays depuis 2011.
* Expert Comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
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