Le président de la république Kaïs Saïed, qui ne fait pas mystère de sa volonté d’exclure les partis, et notamment ceux qui s’opposent à son projet politique, de l’ersatz de dialogue national qu’il compte organiser pour la forme, accepte de rencontrer les dirigeants des partis qui n’ont aucune véritable représentation populaire, en leur tenant des propos contradictoires, qui cachent plus qu’ils ne révèlent ses véritables intentions.
Par Imed Bahri
Ce qui est surprenant dans cette mascarade politique, qui n’est même pas drôle, c’est de voir des hommes politiques jouer le jeu et accepter de servir de comparses. C’est le cas de Abid Briki, le secrétaire général de Harakat Tounes Ilal-Amam (Tunisie en avant), un parti récemment créé et qui ne possède aucune assise populaire.
Après avoir été reçu, hier, lundi 23 mai 2022, par le président Saïed, cet ancien secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qui fut dans une vie antérieure militant du parti d’extrême gauche Watad, écume les plateaux de télévision et les studios des radios pour porter la bonne parole présidentielle : «Il m’a dit ceci… il m’a dit cela…»
Les pro-Saïed en rang dispersé
Aujourd’hui, mardi 24 mai, Abid Briki, a été l’invité de la Matinale de Shems FM, pour répéter ce qu’il avait dit la veille dans Rendez-vous 9 sur Attessia TV. «Le bilan du gouvernement Bouden est très faible. Il n’a pas fait ce qu’il devait faire, n’a réalisé aucune avancée et n’a pris aucune mesure en faveur des citoyens», a-t-il lancé, en dénonçant «la persistance du système des autorisations et l’absence de toute vision économique et sociale», estimant que le pays a besoin d’un gouvernement composé d’hommes et de femmes politiques capables de prendre les mesures qui s’imposent et de les mettre en œuvre et non de technocrates, simples exécutants qui ont besoin d’instructions pour agir.
M. Briki, qui se considère lui-même comme faisant partie du groupe qui supporte les mesures exceptionnelles proclamées par le président Saïed, le 25 juillet 2021, a mis en garde contre la dispersion de ce groupe qui affecterait négativement tout le processus de réforme politique initié par le président Saïed.
Tout en exprimant son rejet des appels à reporter le référendum sur les réformes politiques, dont la date est fixée au 25 juillet prochain, M. Briki a estimé que la Tunisie ne peut plus supporter d’attendre davantage, car elle fait face à de nombreux risques, par allusion à la crise financière, économique et sociale.
Le dirigeant de gauche, qui mise sur le succès dudit référendum, craint que l’échec de cette échéance n’aggrave l’ingérence des parties étrangères dans les affaires intérieures du pays pour décider de son sort. «La solution est tuniso-tunisienne», a-t-il souligné, en rejetant, dans ce contexte, les appels lancés par les opposants à Kaïs Saïed pour descendre dans la rue et protester contre la tenue dudit référendum, «en se plaignant auprès des Français et des Américains et en demandant leur aide», a-t-il dit déploré.
La solution doit être tuniso-tunisienne
Cependant, et tout en soutenant M. Saïed, Abid Briki estime que ce dernier ne doit pas exclure les partis du dialogue national qu’il projette d’organiser pour déterminer les grandes réformes politiques à mettre en œuvre. «La solution tuniso-tunisienne exige l’ouverture à tous les partis politiques et, notamment, ceux qui soutiennent le processus du 25-Juillet», a-t-il déclaré. Car «le pays ne peut plus supporter les querelles et a besoin d’un dialogue politique avec la participation des partis et des acteurs économiques et sociaux.»
M. Briki a déclaré, dans ce contexte, et contrairement aux postions exprimées et aux déclarations faites par le chef de l’Etat à ce sujet, que ce dernier l’avait assuré qu’«il ne pouvait pas exclure les partis de la scène politique», en affirmant que la Tunisie traverse une période très dangereuse et que le dialogue reste le dernier espoir pour le début de sortie de la crise. Aussi a-t-il formé l’espoir de voir le président faire des concessions pour garantir le succès des travaux de la Commission nationale consultative pour une nouvelle république, estimant que le chef de l’État ne devrait pas régler seul les points de litige qui apparaîtrait au sein de ladite commission.
Voilà pour les wishful thinking des soutiens de M. Saïed, il reste à connaître les véritables intentions de ce dernier qui donne l’impression de vouloir faire un passage en force en imposant son projet politique personnel, en dépit de la forte opposition exprimée par les partis, quitte à amuser la galerie par un ersatz de consultation. Ce serait moins par conviction que pour occuper les médias et leur donner du grain à moudre, sans plus. Mais le leurre, également destiné à donner des raisons d’espérer aux partenaires internationaux de la Tunisie, fonctionnerait-il ?
Qu’on nous permette d’en douter, car le président Saïed a montré jusque-là un piètre talent de comédien : déclenchez donc vos caméras, tendez vos micros, et attendez qu’il ouvre la bouche, vous ne tarderez pas à être édifiés.
Wait and see…
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