Le Tunisien lambda est à des années lumières des enjeux et méandres des théories de la science économique. Une inculture économique endémique et une déplorable incompétence en numératie financière méchamment mises à profit par les élites, partis politiques et mandarins de la science économique de la Tunisie post 2011.
Par Moktar Lamari, Ph.D
Attendue pour être rendu public, le projet de la nouvelle constitution doit protéger le citoyen lambda contre ces abus dévastateurs; il doit dissuader les politiciens vendeurs de chimères et de mirages économiques. La nouvelle constitution doit dire halte à ces dérives du stop and go de la gestion des déficits, des budgets, de la dette et du principe du taux usuraire pourtant prohibé par l’islam politique.
Le projet de la nouvelle constitution doit proscrire la dette toxique, celle qui paie les fonctionnaires véreux, absentéistes et ayant été nommés avec des faux diplômes et des accointances partisanes ou syndicales.
Donner aux citoyens les moyens de se défendre contre le populisme
La nouvelle constitution à annoncer demain ou celle qui risque de la supplanter rapidement, doit aussi aider à changer structurellement les façons d’enseigner l’économie, pour donner aux citoyens les moyens de se défendre contre le populisme, les idées fumeuses de nombreux politiciens, de nombreux juristes, de nombreux ingénieurs et de nombreux larbins qui s’improvisent économistes ou qui pensent que savoir gérer ses revenus et ses dépenses suffisent pour se dire économistes.
Le temps c’est de l’argent, la Tunisie n’en peut plus de promesses mensongères et ces néophytes qui ont ruiné l’économie publique, la fonction publique et les sociétés d’Etat.
La nouvelle constitution ne peut pas arriver au référendum pour le 25 juillet, soit dans moins d’un mois, sans vision convaincante en matière d’économie, en matière de développement et en matière de pouvoir d’achat.
Le torchon brûle: avec la grève générale d’il y a deux jours, avec les grèves des juges, avec l’absence de parlement.
Pour annoncer le projet de la nouvelle constitution, le président Kaïs Saïed doit commencer son discours par le mot économie. Comme l’a fait le livre sacré en islam, «Iqraa, Iqraa…» est le mot clef!
Le président et ses acolytes auteurs du projet de cette nouvelle constitution doivent se prononcer franchement, sans démagogie et sans détour, sur la place de l’économie dans le projet de la nouvelle constitution.
La Tunisie n’en peut plus de ces élites incompétentes en économie, qui ont endetté le pays et qui ont ruiné le pouvoir d’achat.
Des arrangements de dernière minute avec le FMI
Même si les étoiles sont de plus en plus alignées et les points d’extensions de plus en plus serrés, un prochain accord avec le FMI (avant le 31 juillet) ne sera qu’un accord Standby, pour une période de 12-18 mois, un accord d’urgence et qui ne résout rien en matière des réformes structurelles. Un accord à minima, pas plus de 1,7 milliards de dollars, à rembourser sur un laps de temps très réduit (4 ans) et un taux d’intérêt qui frôlera les 4%. Les réformes structurelles sont reportées à plus tard, comme en 2018.
Un accord qui semble avoir été finalisé en urgence grâce entre autres aux financements et cautions des Emirats et du Koweït, selon des sources qui veulent garder l’anonymat. Avec des feux verts arrachés par l’implication de la Tunisie dans la rencontre de l’Otan (anti axe Russie-Chine) tenue récemment en Allemagne, et les rapprochements avec Israël discutés entre autres à Djerba par la cheffe du gouvernement auprès de membres mandatés par certains lobbys israéliens fortement représentés aux festivités de la Ghriba (début mai à El Haraa Essghira).
J’attends pour voir! Je ne présume de rien, mais mon petit doigt me dit que les juristes improvisés en économistes ne peuvent pas changer la donne économique en Tunisie. Ils ne peuvent renverser la vapeur! Pour une raison simple: on ne peut donner ce qu’on n’a pas.
Et comme on dit dans le jargon local, s’ils étaient capables, ils l’auraient fait, depuis dix ans alors que les Tunisiens cherchaient à améliorer leur sort et attendaient de la prospérité et du pouvoir d’achat.
Sur les 487 ministres et les 670 députés ayant gouverné le pays depuis 2011, les juristes étaient majoritaires, capables de tout dire, mais incapables de livrer la moindre promesse économique. Des juristes qui pensent que la société se transforme par décret top down. Rien dans leur actif, tout dans leur discours passif.
Cela dit, le citoyen lambda a perdu confiance en ses élites, en ses banques, en ses institutions économiques… et surtout monétaires.
Tous kif-kif? J’espère que non, parce que le toboggan économique accélère le carrousel politique. Il y a au moins ça de gagné par la Révolte du Jasmin en 2011.
* Universitaire au Canada.
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