Alors que le monde entier s’inquiète de la crise énergétique qui s’installe et risque de provoquer une récession économique globale, en Tunisie, on perd un temps précieux à s’étriper propos d’une réforme constitutionnelle dont seul le président de la république Kaïs Saïed et ses adeptes voient l’absolue urgence.
Par Amine Ben Gamra *
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la question de l’approvisionnement en énergie est devenue centrale dans la géostratégie mondiale. Après les fortes hausses de prix amorcées avec la reprise post-Covid, l’invasion russe de l’Ukraine provoque un nouveau séisme économique. Pour le gaz et le pétrole, les prix s’envolent. Et cette envolée pourrait durer.
La troisième guerre mondiale, celle de l’énergie, est-elle d’ores et déjà décrétée ? Elle nécessitera du courage et de l’ingéniosité, tant de la part des Etats que des ménages, dont le pouvoir d’achat continue de baisser.
La guerre de l’énergie bat son plein
En effet, face à l’ampleur de la crise énergétique, les marges de manœuvre du Etats sont devenues faibles, alors que la grogne populaire monte partout dans le monde, y compris dans les pays qui, hier encore, surfaient sur des taux de croissance à deux chiffres. Nous vivons dans un monde plus impitoyable, plus dangereux et plus imprévisible.
L’Allemagne, qui a brusquement pris conscience de sa fragilité militaire, s’est découverte très dépendante du gaz russe depuis son quasi-abandon du nucléaire. Mais comme ses importations de gaz russe sont aujourd’hui en train de tarir, les centrales à charbon très polluantes tournent à nouveau à plein régime dans ce pays pourtant acquis à l’économie verte.
Plus près de nous, en France, et face au risque de pénurie et de flambée des prix de l’énergie l’hiver prochain, les dirigeants de TotalEnergies, EDF et Engie appellent les Français à réduire dès aujourd’hui leur consommation de carburant, de pétrole, d’électricité et de gaz.
Par ailleurs, et lors d’une conférence en marge de la clôture du dernier sommet du G7, Emmanuel Macron a dénoncé les producteurs et les spéculateurs qui s’enrichissent depuis le début de la guerre à cause de l’envolée des prix de l’énergie
L’Algérie a annoncé avoir mis la main sur un important gisement gazier dans le périmètre de Hassi R’Mel, une commune de la wilaya de Laghouat, située au centre du pays, à 400 km au sud de la capitale, et point de départ des gazoducs d’exportation vers l’Espagne et l’Italie, une infrastructure aujourd’hui appelée à être renforcée pour transporter davantage de gaz vers une Europe qui cherche à réduire de façon draconienne ses importations de gaz russe.
Les monarchies du Golfe, dont la place dans le marché mondial des hydrocarbures s’est beaucoup réduite au cours des trente dernières années, se repositionnent elles aussi en vue de prendre de nouveaux parts de marchés.
La Tunisie aux abonnés absents
Face à ces bouleversements, que fait la Tunisie, un pays dont le déficit énergétique ne cesse de s’accroître depuis une vingtaine d’années et qui a dépassé aujourd’hui 50% de ses besoins ? Eh bien, elle est aux abonnés absents, se contentant de parer au plus urgent, en n’osant même pas penser à l’avenir, puisqu’elle n’a même pas les moyens de lancer de nouvelles stratégies, forcément couteuses et que les grandes difficultés financières du pays empêchent d’envisager dans le court et moyen termes.
Pis encore, dans notre pays, on perd un temps précieux à s’étriper à propos d’une réforme constitutionnelle dont seul le président de la république Kaïs Saïed et ses adeptes voient l’absolue urgence.
Rappelons, à ce propos, que le directeur général des hydrocarbures au ministère de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, avait récemment déclaré que la Tunisie recourt, actuellement, à son stock stratégique de sécurité des produits pétroliers pour pouvoir satisfaire la demande et approvisionner le pays en produits pétroliers. Son cri d’alarme semble cependant être tombé dans des oreilles de sourds, puisque d’autres responsables du secteur ont rivalisé de langue de bois pour tenter de minimiser la gravité de la situation. Ils ne veulent pas alarmer l’opinion publique que l’on cherche à occuper par les vétilles des polémiques identitaires suscitées par le projet de constitution proposé au référendum du 25 juillet courant.
* Expert comptable, commissaire aux comptes, membre de l’Ordre des experts comptables de Tunisie.
Donnez votre avis