La récente condamnation à la prison d’un radiologue dans une affaire d’erreur médicale où sa responsabilité n’est pas clairement engagée crée un grave précédent judiciaire et fait peser des menaces sur la pratique médicale en Tunisie.
Par Dr Mounir Hanablia *
Des inexactitudes ont émaillé la narration de l’affaire du radiologue injustement condamné à une peine de prison, qu’il convient de corriger afin de lever toute équivoque.
D’abord les auteurs du rapport d’expertise n’incluaient pas un chirurgien cardiovasculaire, mais un médecin légiste. Il était nécessaire de le préciser après la confusion que cette information erronée a entraînée.
La seconde inexactitude concerne le refus de la contre-expertise. En fait, le radiologue en a bien fait la demande mais la cour de cassation ne statuant pas sur le fond, cette demande a été logiquement refusée. C’est le tribunal de première instance qui aurait dû être sollicité en ce sens, ou bien la cour d’appel.
La troisième inexactitude porte sur la possibilité d’une révision du jugement. Sauf éléments nouveaux, en principe le verdict ayant été confirmé par la cour de cassation, le jugement devient exécutoire et il ne reste plus au prévenu qu’à solliciter la grâce présidentielle.
Œuvrer pour la réhabilitation du radiologue injustement incriminé
Il est donc à priori tout à fait inutile que les médecins descendent dans la rue pour protester ni qu’ils fassent grève. Mais il faudrait pour cela que le concerné commence à purger sa peine. Et il peut d’autant moins y échapper que l’infirmier anesthésiste condamné a été arrêté. Ce qui est en jeu pour ses collègues qui désirent lui venir en aide n’est donc pas de lui épargner l’emprisonnement, mais d’obtenir sa réhabilitation, c’est-à-dire de recouvrer la totalité de ses droits à sa sortie, lui permettant de reprendre son activité professionnelle et de recouvrer son statut social.
Personnellement, il me paraît qu’une une pétition signée par l’ensemble de la confrérie est le moyen le plus adéquat pour atteindre cet objectif, du moins dans un premier temps.
D’autre part, il ne faut pas oublier que cette affaire crée une jurisprudence néfaste pour le médecin, en ce sens qu’elle le considère comme étant responsable de la sécurité du patient qui lui est adressé, sans aucune considération pour son état antérieur ou la pathologie dont il souffre.
Ainsi rien n’empêchera désormais l’arrestation d’un médecin, d’un pharmacien, d’un biologiste ou d’un dentiste, dont le patient a vu son état s’aggraver dans la salle d’attente, ou plus grave durant les soins ou l’examen, sous le prétexte qu’on n’aura pas préalablement évalué son état de santé, ou bien que le cabinet sera dénué des équipements nécessaires au sauvetage.
Ne pas faire assumer à un médecin plus que sa part de responsabilité
Certes, on comprend l’indignation humaine tout à fait légitime des juges face à un enfant réduit à l’état de légume dans l’endroit où on aurait le plus dû prendre soin de sa santé. Mais ce n’est pas en faisant assumer à un médecin plus que sa part de responsabilité qu’on arrivera à résoudre les problèmes de la profession ni à sécuriser les patients. Et il faut le dire, les juges ont trouvé pour conforter leurs thèses cette expertise médicale qui ne cernait nullement la totalité des faits puisqu’elle passait sous silence la responsabilité du médecin traitant, mais aussi celle de la mère, particulièrement engagée, et en plus de l’infirmier anesthésiste et du médecin anesthésiste, coupables des faits reprochés sans l’ombre d’un doute, elle incriminait le radiologue, dont le seul tort était que le patient eût été adressé à son nom.
De fait, le radiologue ne possédait aucune autorité sur les anesthésistes ni aucune compétence dans leur domaine. Il convient donc que le Conseil de l’ordre des médecins et le ministère de la Santé informent précisément les médecins des exigences à même de leur épargner des poursuites pénales durant l’exercice professionnel.
* Médecin de libre pratique.
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